eSport : un nouveau cadre légal se dessine pour le football virtuel (Me Julie Jacob)
« Après la récente promulgation de la loi pour une République numérique (Loi n° 2016-1321 du 07/10/2016), la donne change pour le e-sport. Pour le football virtuel, comme pour les autres compétitions de jeux vidéo, un nouveau cadre légal se dessine », indique Me Julie Jacob, avocate spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et du numérique, dans une analyse pour News Tank, le 02/12/2016.
« Les évolutions introduites par la nouvelle loi permettent d’espérer un véritable renouveau du e-sport en France. Les initiatives se multiplient de toutes parts, la LFP
Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT)
a ainsi annoncé le 18/10/2016 le lancement de la e-Ligue 1 », ajoute-t-elle.
« Avant la loi, on évoluait dans une situation de flou par rapport notamment aux e-compétitions qui pouvaient être assimilées à des loteries prohibées par la loi. La loi introduit une distinction en autorisant expressément les compétitions de jeux vidéo, car elles reposent davantage sur l’habileté que sur le hasard. De plus, le statut du e-joueur est aujourd’hui inspiré de celui des sportifs professionnels. Ce qui permet par exemple d’obtenir des visas plus facilement pour les e-sportifs internationaux », explique Me Julie Jacob, qui analyse pour News Tank le nouveau cadre légal du eSport et le problème des retransmissions télévisées de e-compétitions.
1.- Le nouveau cadre légal du eSport
La fin des incertitudes »De nouvelles perspectives s’ouvrent. Tombant sous le coup de l’interdiction des loteries, mais bénéficiant d’un régime de relative tolérance administrative, les compétitions de eSport avaient lieu dans un contexte d’insécurité juridique. Les jeux vidéo étant assimilés à des jeux de hasard, l’organisation de compétitions pouvait être considérée comme illicite. La loi numérique portée par Axelle Lemaire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargée du Numérique et de l’Innovation, a permis de mettre fin à ces incertitudes et a précisé le cadre légal du eSport.
En effet, la loi du 07/10/2016 pour une République numérique a introduit de nouvelles dispositions dans le Code de la sécurité intérieure. Selon le texte, le eSport est entendu comme la pratique « d’une compétition de jeux vidéo [qui] confronte, à partir d’un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire. »
Un nouvel article L. 321-9 du Code de la sécurité intérieure dispose que ce type de compétitions bénéficie d’une dérogation au principe d’interdiction des loteries si trois conditions sont réunies :
- 1.- Les joueurs sont présents physiquement sur le lieu de la compétition
- 2.- Les frais d’inscription ne doivent pas excéder une fraction (dont le taux est fixé par décret en Conseil d’État) du coût total d’organisation de la manifestation
- 3.- Les organisateurs déclarent à l’autorité administrative la tenue de telles compétitions.
Les décrets en Conseil d’État n’ayant pas encore été pris, on ignore encore les détails des formalités à accomplir pour organiser une compétition. Celles-ci ne devront pas être trop contraignantes afin de véritablement favoriser le développement du e-sport.
Le cas particuliers des mineurs »S’agissant du cas particulier des mineurs, leur participation peut être autorisée et est subordonnée à une autorisation parentale qui devra comporter deux mentions légales obligatoires : les enjeux financiers de la compétition et le nom du jeu vidéo utilisé comme support avec une référence à sa classification PEGI (Pan European Game Information).
Une classification non-contraignante »Cette classification mise en place par des éditeurs de logiciels de loisirs signale les contenus potentiellement dangereux en se fondant sur les critères que sont le contenu (violence, nudité, jeux d’argent) et l’âge (tout public, 12 ans et plus, 16 ans et plus, 18 ans et plus). Elle n’est pas contraignante et a pour but d’informer et de sensibiliser les parents sur le contenu de certains jeux.
Enfin, le e-sportif voit par ailleurs son statut s’améliorer, sur le modèle des dispositions applicables au sportif professionnel, dans le code du travail.
2.- La retransmission télévisée des e-compétitions : le problème de publicité dissimulée
Le phénomène eSport attire de plus en plus l’attention des chaînes de télévision »Le phénomène eSport attire de plus en plus l’attention des chaînes de télévision qui y voient le moyen d’attirer un public jeune. En effet, la génération Millenials, comprenant les jeunes nés dans les années 80 et 90, n’a pas pour réflexe de regarder la télévision. En s’intéressant à des programmes comme le eSport, les chaînes se renouvellent et ont certainement pour ambition de capter une nouvelle audience, susceptible d’attirer de nouveaux annonceurs et de générer ainsi des revenus.
Des conditions de retransmission loin d’être idéales »Néanmoins, alors même que le eSport séduit un large public et que la France s’illustre par la qualité de ses éditeurs de jeux, les conditions de retransmission des compétitions sont encore loin d’être idéales. En effet, le risque de publicité dissimulée constitue l’obstacle le plus contraignant à la retransmission des compétitions de e-sport.
La publicité clandestine définie à l’article 9 du décret du 27/03/1992 »La publicité clandestine est définie à l’article 9 du décret 92-280 du 27/03/1992. Ce dernier dispose que « la publicité clandestine est interdite » et que « pour l’application du présent décret, constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire. »
Lors de compétitions de jeux vidéo, plusieurs éléments tels que le nom du jeu vidéo, la marque de la console utilisée ou encore la mention des différents sponsors de la compétition, peuvent tomber sous le coup de la réglementation portant sur la publicité clandestine.
Ainsi, cette réglementation constitue un obstacle à la diffusion de compétitions de e-sport et elle est susceptible de mettre à mal le financement des compétitions. Les sponsors seront en effet plus réticents à financer des compétitions s’ils ne peuvent obtenir en contrepartie une mention de leur nom durant le jeu.
La politique de tolérance du CSA »Le CSA
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
Le 01/01/2022, le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) sont devenus l’Arcom (Autorité de…
, qui contrôle le respect par les diffuseurs de la réglementation concernant la publicité clandestine (présentation de biens et services avec un objectif de promotion et non d’information, et ce en dehors des écrans publicitaires), a développé une politique de tolérance vis-à-vis des diffuseurs pour la retransmission télévisée des compétitions sportives classiques.
Ladite relative tolérance à l’égard des retransmissions sportives repose sur le droit à l’information du public : une application stricte de l’interdiction de publicité dissimulée ferait obstacle à toute forme de diffusion télévisée de compétitions sportives. A ce jour, le CSA
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
Le 01/01/2022, le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) sont devenus l’Arcom (Autorité de…
ne s’est toujours pas officiellement prononcé sur la question, mais puisque le eSport n’est pas consacré comme un sport au sens juridique, on peut s’interroger sur le point de savoir si la tolérance réservée aux retransmissions sportives va être appliquée.
Les chaînes auront donc tout intérêt à faire valoir le droit à l’information en ce que la retransmission des compétitions de eSport, au même titre que les compétions sportives traditionnelles, intéresse un public de plus en plus large.
Julie Jacob
Avocat fondateur @ Jacob Avocats
Téléphone : +33673374293
• CAPA (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), 1993
• Barreaux de Paris et Israël
• Intervient principalement en droit des technologies innovantes, droit du sport & gambling, tant au niveau du conseil que du contentieux.
• Ses domaines de prédilection sont aussi les jeux et paris sportifs en ligne, les data et les médias.
• Le cabinet Jacob Avocats est certificateur auprès de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux En Ligne) depuis 2011.
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Fiche n° 8664, créée le 30/01/2015 à 15:16 - MàJ le 13/12/2016 à 13:24
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