Tunisie - France : « Le rejet de la réclamation de la FFF crée un précédent dangereux » (Me Amson)
« Le rejet par la commission de discipline de la FIFA
Fédération Internationale de Football Association
de la réclamation portée par la FFF
Fédération Française de Football
crée un précédent dangereux car on constate qu’on peut s’affranchir des règles de l’utilisation de la VAR
Video Assistant Referee (assistance vidéo à l’arbitrage)
sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Pourtant, la protection des intérêts de la FIFA et du football en général aurait, pour moi, été davantage assurée par la confirmation rétroactive de la validité du but. Les acteurs du football auraient eu la confirmation de l’obligation pour les arbitres de respecter le processus réglementaire. Cela est d’autant plus vrai que l’absence de véritables conséquences sportives permettait à la FIFA d’affirmer, sans risque, l’autorité de ses propres règlements », déclare Charles Amson
Fondateur / Avocat @ Cabinet Amson (Amson)
• Avocat au Barreau de Paris.
• Docteur en droit (Université Paris-II-Panthéon-Assas), Charles Amson a soutenu, en 2008, une thèse consacrée à La place…
, avocat au Barreau de Paris et spécialiste en Droit du Sport, à News Tank, le 05/12/2022.
« La Fédération Française de Football a adressé, jeudi, une réclamation à la FIFA afin de contester le but refusé à Antoine Griezmann face à la Tunisie la veille (0-1) », annonçait en effet la FFF le 01/12/2022, au lendemain du 3e et dernier match de l’équipe de France dans le groupe D de la Coupe du monde 2022
XXIIe édition de la Coupe du monde de football, attribuée au Qatar le 02/12/2010. Initialement prévue du 21/11 au 18/12/2022, elle débute finalement un jour plus tôt, le dimanche 20/11/2022 sur…
dont elle a conservé la première place malgré la défaite.
« À la toute fin du temps additionnel (90e+8), l’attaquant des Bleus a cru égaliser avant de voir son but refusé pour hors-jeu après consultation de l’arbitrage vidéo. Or ce recours à la VAR est intervenu après que l’arbitre Monsieur Matthew Conger (NZL) a sifflé l’engagement pour les Tunisiens afin de disputer les dernières secondes de la rencontre puis la fin du match. Selon la loi 1.10 du protocole d’assistance vidéo à l’arbitrage publié par l’IFAB
International Football Association Board, organisme garant des lois du jeu (football)
: “Si le jeu a repris après avoir été arrêté, l’arbitre ne peut effectuer une analyse sauf en cas d’identité erronée ou en cas d’infraction passible d’exclusion telle qu’un comportement violent, crachat, morsure, et/ou propos ou actes blessants, grossiers ou injurieux” », rappelait la FFF pour justifier sa réclamation, finalement rejetée par la commission de discipline de la FIFA le 05/12/2022.
« Cette affaire pose plus de problèmes qu’il n’y paraît. A partir du moment où une application manifestement erronée du règlement est validée par la FIFA, cela ouvre des brèches dans lesquelles beaucoup d’arbitres, éventuellement de mauvaise foi, pourraient s’engouffrer. Pourquoi édicter un règlement si on ne sanctionne pas son non-respect ? Un règlement est fait pour être appliqué et sa méconnaissance doit être sanctionnée, quel que soit l’enjeu (ou l’absence d’enjeu) sportif », indique Maître Charles Amson, qui répond aux questions de News Tank.
« Ce n’est pas la règle de jeu que cette affaire vient remettre en cause, mais la règle de droit, celle issue du règlement de la VAR » (Charles Amson, avocat)
Comment analysez-vous le rejet, par la commission de discipline de la FIFA, de la réclamation portée par la FFF à la suite à l’annulation du but d’Antoine Griezmann contre la Tunisie en fin de match ?
Cela crée un précédent dangereux que de constater qu’on peut s’affranchir des règles de l’utilisation de la VAR sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Pourtant, la protection des intérêts de la FIFA et du football en général aurait, pour moi, été davantage assurée par la confirmation rétroactive de la validité du but. Les acteurs du football auraient eu la confirmation de l’obligation pour les arbitres de respecter le processus réglementaire. Cela est d’autant plus vrai que l’absence de véritables conséquences sportives permettait à la FIFA d’affirmer, sans risque, l’autorité de ses propres règlements.
Bien au contraire, la FIFA a non seulement mis plusieurs jours à rejeter la réclamation formée par la FFF mais, plus encore, elle n’a jusqu’à présent pas communiqué les raisons de ce refus, donnant par là même l’impression de ne pas bien savoir si elle disposait d’arguments juridiques sérieux au soutien de sa position.
Pourtant ne serait-il pas tout aussi dangereux de valider rétroactivement un but marqué par un joueur en position de hors jeu ou, en tout cas, revenant d’une position de hors-jeu ?
Cela serait à mon sens moins dangereux que de cautionner la méconnaissance d’un règlement. En effet, la validation d’un but par l’arbitre de terrain, indépendamment de tout recours à la VAR, relève de l’interprétation d’une règle de jeu (en l’occurrence celle du hors-jeu) et non d’une règle de droit.
Voir la FIFA confirmer qu’on peut impunément méconnaître le règlement d’utilisation de la VAR pose un problème fondamental »Il y a des tas des matches durant lesquels des décisions d’arbitrage peuvent prêter à caution sans pour autant remettre en cause la pérennité du football. Puisque nous approchons du dénouement de la Coupe du monde, nous pouvons, par exemple, citer le débat existant depuis 56 ans autour de la validité du but de Geoff Hurst lors de la finale de la Coupe du monde 66 entre l’Angleterre et l’Allemagne. La validation du but de Griezmann entre probablement dans cette catégorie.
Voir la FIFA confirmer qu’on peut impunément méconnaître le règlement d’utilisation de la VAR pose, en revanche, un problème fondamental et laisse une porte ouverte aux arbitres pour renouveler de tels agissements lors de prochains matches, cette fois à élimination directe…
Encore une fois, ce n’est pas la règle de jeu que cette affaire vient remettre en cause, mais la règle de droit, celle issue du règlement de la VAR.
La FIFA a-t-elle pu se baser sur des précédents pour statuer sur cette affaire ?
C’est la première fois, à ma connaissance, que la FIFA a à connaitre d’un tel litige lié à la VAR qui n’est utilisée que depuis la Coupe du monde 2018 Organisée en Russie du 14/06 au 15/07/2018. .
Comme il n’y a pas de jurisprudence, il y a toujours une marge d’interprétation plus importante »En lisant strictement le règlement, on pouvait estimer que les chances de succès de la réclamation de la FFF étaient sérieuses. On ne peut pas sérieusement contester que le jeu avait repris et qu’une révision de la décision d’accorder le but n’était alors pas autorisée. Mais par définition, comme il n’y a pas de jurisprudence, il y a toujours une marge d’interprétation plus importante.
Avez-vous été surpris de voir la FFF porter une telle réclamation ?
Pas tellement car la position française me semblait une application assez claire du règlement. Quand bien même cela ne changeait rien au classement, on a bien constaté une méconnaissance du règlement de la part de l’arbitre. Le débat n’est pas de savoir s’il y avait hors-jeu, mais si un article du règlement de la VAR a été respecté ou pas. Je n’ai ainsi pas été choqué par la démarche de la FFF, sans compter qu’il y avait un intérêt symbolique à finir la phase de groupes avec sept points plutôt que six et à rester invaincu.
De même, le résultat n’est pas sans conséquence pour les statistiques de l’équipe de France, qui comptabiliseront une défaite plutôt qu’un match nul.
Enfin, il est évident que la place de la France au classement FIFA sera affectée par cette décision.
Tunisie - France : « TF1 va envoyer un courrier à la FIFA » (François Pellissier)
• « TF1 va envoyer un courrier à la FIFA, car nous sommes très mécontents de la situation. C’est un préjudice pour le téléspectateur, un préjudice d’image pour nous. On est, nous aussi, victime d’une erreur d’arbitrage », déclarait François Pellissier, directeur général adjoint business et sport du groupe de télévision gratuite TF1, au quotidien L’Équipe le 01/12/2022.
• Lors du match Tunisie - France (1-0) diffusé sur TF1 le mercredi 30/11/2022 (coup d’envoi à 16 heures HEC Heure d’Europe Centrale (heure de Paris, Madrid, Rome, Berlin…) ), la chaîne privée gratuite a rendu l’antenne à 1-1 après que la fin du match a été sifflée, juste avant que l’arbitre néo-zélandais Matthew Conger ne décide d’annuler le but de l’attaquant de l’équipe de France Antoine Griezmann pour hors-jeu, sur la base des images de la VAR visionnées au bord du terrain.
• « On est face à une erreur de l’arbitre de la FIFA qui a fait appel à la VAR alors qu’il n’en avait pas le droit selon le règlement. C’est très pénalisant pour nous. Mais à cet instant, c’est trop tard, on a donné le top pour rendre l’antenne. La régie finale a pris la main. C’est compliqué d’arrêter la pub lancée, on ne sait pas si on revient pour une seconde ou pour rien », expliquait François Pellissier.
Il y a deux écoles parmi les observateurs : ceux qui pensent que la FFF a eu une attitude de mauvaise perdante, et ceux qui la défendent en disant qu’il était nécessaire d’éclaircir une telle situation. Qu’en pensez-vous ?
Je suis partisan de la deuxième position. Certes, contrairement à la Ligue des champions par exemple, la Coupe du monde ne donne pas lieu au versement d’une dotation qui varie selon le nombre de points acquis en phase de groupes. Seule la qualification compte. Il n’empêche que la FFF est garante du respect des règles quand l’équipe de France joue.
La FFF est garante du respect des règles quand l’équipe de France joue »La FFF est dans son rôle en portant réclamation, d’autant que l’erreur initiale, celle de l’arbitre, ne lui est aucunement imputable.
Les attaquants ont souvent des primes de but dans leurs contrats avec leurs clubs et/ou leurs sponsors, ce qui est peut-être le cas d’Antoine Griezmann. Aurait-il pu se retourner contre la FIFA si la FFF ne l’avait pas fait ? Et contre la FFF elle-même ?
Il n’aurait, à mon sens, pas pu se substituer à la FFF pour poser réclamation auprès de la FIFA car seules les associations nationales qui participent à la Coupe du monde peuvent le faire.
En revanche, il aurait eu un intérêt, en tant que joueur de l’équipe de France, à agir à la fois contre la FFF si celle-ci n’avait pas porté réclamation, et contre la FIFA non pas pour revenir sur le résultat du match - acquis pour la Tunisie dans notre hypothèse - mais afin de demander réparation du préjudice subi.
A charge pour lui de démontrer que l’invalidation de son but l’empêchait de toucher une prime ou le privait d’un avantage quelconque. Un juge étatique ou le Tribunal Arbitral du Sport, théoriquement susceptible d’être saisi, pourrait considérer qu’il y a eu une faute, laquelle a entrainé un préjudice qu’il faut réparer. Théoriquement c’est possible.
De quelle voie de recours dispose la FFF après cette décision de la commission de discipline ?
A mon sens, et en application des articles 52 et 53 des Statuts de la FIFA, la FFF pourrait saisir la Commission de Recours de l’instance, puis, en cas de confirmation de la décision, le Tribunal Arbitral du Sport.
Ce cas démontre une fois de plus que l’introduction de la VAR permet de résoudre des problèmes, mais en crée aussi…
Exactement. A la réserve près que l’on « paie » pour apprendre : aucun cas de figure de ce genre ne s’étant produit, l’arbitre n’avait, de bonne foi, peut-être pas connaissance de cet aspect du règlement.
D’autres sources de conflits potentiels dans le règlement de la VAR »Désormais, dans un cas pareil, on peut imaginer qu’un autre arbitre ne renouvellera pas une erreur grossière de cette nature. Cependant, il y a certainement d’autres sources de conflits potentiels dans le règlement de la VAR. On ne peut corriger par exemple qu’une « erreur manifeste » via la VAR. Mais qu’est-ce qu’une « erreur manifeste » ? L’imprécision de cette notion pourrait ouvrir des débats juridiques sans fin…
Charles Amson
Fondateur / Avocat @ Cabinet Amson (Amson)
Téléphone : +33683501458
• Avocat au Barreau de Paris.
• Docteur en droit (Université Paris-II-Panthéon-Assas), Charles Amson a soutenu, en 2008, une thèse consacrée à La place de l’arbitrage dans la résolution des litiges sportifs.
• Auteur d’un ouvrage intitulé Droit du sport (Éditions Vuibert) et de nombreux articles dans des revues juridiques, il enseigne le droit du sport dans plusieurs écoles, dont SMS (Sports Management School).
Cabinet Amson : 18, avenue Kléber 75016 Paris
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Fondateur / Avocat
Fiche n° 5704, créée le 03/09/2014 à 10:40 - MàJ le 06/10/2021 à 10:39
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