Covid-19 / Football : suspension des compétitions, enjeux et perspectives (J-L Valentin / S. Guennad)

« Des répercussions bien au-delà de la saison 2019-20 » (J.-L. Valentin / S. Guennad)

L’épidémie de Covid-19 a conduit les organisateurs d’événements sportifs, en France et à l’étranger, à suspendre les compétitions nationales et européennes.

En France, la FFF Fédération Française de Football a ainsi reporté les matches internationaux amicaux de l’équipe de France initialement programmés les 26 et 31/03/2020 (contre l’Ukraine et la Finlande) et suspendu l’ensemble des rencontres des championnats amateurs. La LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) a annoncé le 13/03/2020 la suspension des compétitions de Ligue 1 1ère division française de football professionnel (20 clubs). Conforama (distribution d’ameublement et électroménager), partenaire naming 2017-2020 (7 M€ par saison). et Ligue 2 Deuxième division française (20 clubs) ; contrat de sponsoring titre avec Domino’s Pizza France pour 2016-2020 pour une durée indéterminée.

Si la gestion de la situation sanitaire représente, pour le sport comme pour le reste de la société, une priorité absolue, les principaux acteurs du football mondial, européen et national n’ont pas fini d’évaluer les multiples conséquences, notamment économiques, que pourrait provoquer la persistance de cette crise dans le temps.

Selon une récente publiée par KPMG (cliquez ici) , le risque d’annulation des compétitions pour les principales Ligues de football européen s’élèverait ainsi à 1,2 milliard d’euros en Angleterre, 900 millions d’euros en Espagne, 700 M€ en Allemagne, 600 M€ en Italie et 350 M€ en France.

Aussi les principales instances du football s’attachent-elles aujourd’hui, dans le respect des consignes de santé publique édictées par les gouvernements, à tenter de sauvegarder l’architecture des compétitions dont elles ont la charge, en privilégiant la voie du rééchelonnement massif des calendriers.

L’impulsion de l’UEFA Union des Associations Européennes de Football en vue de préserver les compétitions des clubs 

L'UEFA Union des Associations Européennes de Football , l'ECA (European Club Association) Association des clubs européens , European Leagues Nouvelle appellation -depuis le 06/04/2018- de l’EPFL, l’Association européenne des Ligues professionnelles de football. et la FIFPro Fédération Internationale des Footballeurs Professionnels Europe ont signé un accord pour coordonner la réaction du football européen face aux défis générés par le Covid-19, le 17/03/2020.

Pour rappel, en vertu de l’article 3 bis des statuts de l’UEFA, « l’UEFA, en sa qualité d’instance dirigeante du football au niveau européen, peut reconnaître et inclure dans le processus de consultation des affaires du football européen des groupes représentant les intérêts de ceux qui en sont les parties prenantes (ligues, clubs, joueurs, supporters), à condition que ces groupes soient :

a) organisés dans le respect des statuts et règlements de l’UEFA et des valeurs qui les sous-tendent.

b) constitués d’une manière démocratique, ouverte et transparente.  »

Cet accord entérine le report de l’Euro 2020 Devait être organisé du 12/06 au 12/07/2020 dans 12 villes de 12 pays qui relèvent de l’UEFA. Mais la pandémie de coronavirus (Covid-19) a contraint l’UEFA à reporter la compétition d’un an, le… et prévoit les conditions d’une reprise des compétitions à l’échelle européenne dans les termes suivants : 

• Compétitions des équipes nationales :
  • les barrages des éliminatoires de l'Euro 2020 Devait être organisé du 12/06 au 12/07/2020 dans 12 villes de 12 pays qui relèvent de l’UEFA. Mais la pandémie de coronavirus (Covid-19) a contraint l’UEFA à reporter la compétition d’un an, le… , initialement programmés en mars 2020, sont reportés à la trêve internationale de juin 2020, sous réserve d’un examen positif de la situation.
  • la phase finale de l’Euro 2020, qui devait avoir lieu du 12/06 au 12/07/2020, est reportée du 11/06 au 11/07/2021. Cela contribuera à garantir que l’Euro 2020 puisse être une grande fête du football pour tous les supporters du continent.
  • les 3^e et 4^e journées des European Qualifiers (pour la Coupe du monde 2022 XXII^e édition de la Coupe du monde de football, attribuée au Qatar le 02/12/2010. Initialement prévue du 21/11 au 18/12/2022, elle débute finalement un jour plus tôt, le dimanche 20/11/2022 sur… au Qatar), actuellement prévues en juin 2021, seront programmées à de nouvelles dates.
  • la phase finale de la Ligue des nations (demi-finales et finale), le tour final de l’Euro U21 et de l’Euro féminin, initialement programmés en juin et juillet 2021, seront programmés à d’autres dates.
  • les clubs mettront à disposition leurs joueurs pour toutes les dates internationales.

• Compétitions de clubs :
  • engagement pris d’aller au bout de toutes les compétitions nationales et européennes de clubs d’ici la fin de la saison sportive en cours, c’est-à-dire le 30/06/2020 au plus tard, si la situation s’améliore et que les conditions sont réunies pour jouer.
  • les créneaux exclusifs du calendrier pourraient être limités, le cas échéant, voire abandonnés, ce qui pourrait potentiellement entraîner la programmation de matches de championnats nationaux en milieu de semaine et de matches de Coupes d’Europe le week-end.
  • adaptation possible des tours de qualification de la Ligue des champions 2020-21 et de l’Europa Ligue 2020-21 en cas de retard de la saison sportive 2019-20 (si elle se termine après le 30/06/2020).

• Groupes de travail :
  • un groupe de travail composé de représentants de l'UEFA Union des Associations Européennes de Football , des Ligues et des clubs est mis en place avec effet immédiat pour passer en revue les questions de calendrier pertinentes et trouver des solutions permettant la reprise et/ou la fin de la saison en cours de manière cohérente.
  • un deuxième groupe de travail composé de représentants de l’UEFA, des ligues, des clubs et des joueurs sera mis en place ultérieurement pour évaluer l’impact économique, financier et réglementaire de la pandémie de Covid-19 et proposer des mesures pour aider à atténuer les conséquences de la pandémie.

Il reste que l’articulation de ces décisions avec le calendrier international déterminé par la FIFA Fédération Internationale de Football Association nécessitera d’être précisée et aura probablement des répercussions au-delà de la saison actuelle. Gianni Infantino Member / Membre @ International Olympic Committee (IOC / CIO) • President / Président @ FIFA
• Nationalités : italienne et suisse • Avant de rejoindre l’UEFA, il a travaillé comme secrétaire… , président de la FIFA a dans cette perspective annoncé que la nouvelle Coupe du monde des clubs devrait sans doute être reportée « en 2021, 2022 ou au maximum 2023 ».

Perspectives sportives consécutives à la suspension des compétitions

A ce stade, plusieurs décisions sont envisageables s’agissant des compétitions nationales en suspens.

La suspension suivie de l’annonce de la fin du championnat

• Cette hypothèse, qui consisterait à entériner la fin du championnat sur la base du classement actuel, semble difficilement réalisable. Une telle option semble préserver partiellement l’équité sportive, mais le caractère brutal et inattendu d’une telle décision laisse penser que l’ensemble des protagonistes que sont les diffuseurs, les clubs et les organisateurs d’événements considéreront que cette option n’est pas souhaitable.

La suspension suivie d’une annulation des compétitions nationales pour la saison en cours

• Cette solution, qui pénalise l’équité sportive, ne semble présenter que l’avantage de préserver le calendrier de la saison suivante. Elle présente surtout pour inconvénients majeurs (i) de pénaliser les clubs et les Ligues du fait de l’absence de recettes liées à la billetterie, aux droits TV et aux partenariats et (ii) de tirer un trait sur plusieurs mois de compétitions.

La suspension suivie d’une reprise des compétitions

• Cette hypothèse, qui est évidemment conditionnée à la date de l’annonce de la sortie de la crise sanitaire, a pour seul inconvénient de bouleverser le calendrier de la saison en cours et de la suivante. Elle permet de préserver la tenue des compétitions et les recettes qui en découlent. C’est évidemment la solution privilégiée par l’ensemble des acteurs du monde du football.
• Le 17/03/2020, la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) a d’ailleurs annoncé que « le conseil d’administration de la LFP rappelle que la priorité des priorités est de terminer le championnat de Ligue 1 Conforama et de Domino’s Ligue 2. Compte tenu des enjeux sportifs et économiques, cette priorité est vitale pour l’avenir des clubs et du football français ». Le report de l’Euro 2020 Devait être organisé du 12/06 au 12/07/2020 dans 12 villes de 12 pays qui relèvent de l’UEFA. Mais la pandémie de coronavirus (Covid-19) a contraint l’UEFA à reporter la compétition d’un an, le… devrait permettre à la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) d’organiser la fin de la saison en cours, sous réserve que la crise sanitaire ne se prolonge pas au-delà du mois de mai.

Ce que prévoient les règlements de la FFF Fédération Française de Football et de la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT)

Pour rappel, la FFF Fédération Française de Football a suspendu les compétitions qu’elle organise, conformément à l’article 132 du règlement général de la FFF, lequel rappelle que la Fédération organise et administre les Championnat National 1 et National 2. Elle organise également le Championnat National 3 dont la gestion sportive et administrative est confiée aux Ligues régionales.

S’agissant des compétitions professionnelles françaises et sur le plan juridique, l’hypothèse d’une suspension ou d’une annulation des compétitions n’est pas envisagée par le Règlement de la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) .                     

L’équipe classée première « à l’issue de la dernière journée »  »

Il est donc nécessaire de se reporter à l’article 514 du Règlement de la LFP qui fixe la règle de principe en la matière : « La Ligue de Football Professionnel est, conformément à l’article 6 de ses statuts, seule compétente pour organiser et gérer les championnats de France professionnels de Ligue 1 Conforama et Domino’s Ligue 2 ainsi que les autres compétitions qu’elle met en place. Elle décerne le titre de champion de France de Ligue 1 Conforama et Domino’s Ligue 2, au club dont l’équipe est classée première en Ligue 1 Conforama et au club dont l’équipe est classée première en Domino’s Ligue 2, à l’issue de la dernière journée  ».

Il convient donc de s’interroger sur cette notion de « dernière journée », pour savoir si elle doit s’entendre comme la 38^e journée ou bien comme la dernière journée qui s’est tenue.

Sur les principaux enjeux économiques liés à cette crise sanitaire

Pour les clubs eux-mêmes, l’impact de l’arrêt des compétitions est multiple et se traduit par un manque à gagner considérable qu’il est encore difficile d’évaluer avec précision :

• Perte de revenus liés à la billetterie, à la commercialisation des hospitalités, à la vente des produits dérivés et au «  merchandising »  en général.
• Conséquences éventuelles sur le niveau des droits télévisés pour la saison en cours.
• Conséquences éventuelles sur les partenariats commerciaux actuels et futurs avec les entreprises qui sont également sujettes à la diminution de  leur activité.
• Sans parler des implications sur le marché des transferts qui mériteraient des développements particuliers.

Pour un football hexagonal qui reste étroitement dépendant de l’économie des droits et du « trading » des joueurs, l’atterrissage post-crise est un sujet de préoccupation manifeste.

Les conséquences de l’annulation de manifestations »

Quant aux organisateurs d’événements au sens large, ils sont également concernés par certaines des hypothèses visées ci-dessus, auxquels il faut ajouter celles liées au report ou à l’annulation de manifestations, que ce soit (i) à l’égard des différents partenaires (qui sont censés disposer d’une visibilité à l’occasion d’événements qui risquent de ne pas avoir lieu et qui devraient donc revoir leurs engagements financiers à la baisse le cas échéant) ou (ii) des titulaires du droit d’exploitation des différentes enceintes sportives qui avaient été choisies pour accueillir les compétitions de fin de saison (puisque l’annulation de la location de ces infrastructures entraînera probablement le paiement d’une indemnité).

Cet épisode sans précédent aura, par ailleurs, sans aucun doute pour effet d’attirer l’attention des clubs et des organisateurs d’événements sur la nécessité de couvrir les risques financiers afférents aux pertes de recettes liées à l’annulation des compétitions en cas de crise grave.

Pas impossible que les tribunaux compétents viennent clarifier l’interprétation de certaines polices d’assurance »

Si les organisateurs d’événements et les clubs sont bien évidemment déjà assurés au titre des polices d’assurance traditionnelles de type responsabilité civile par exemple, le droit à indemnisation en cas de dommages découlant de l’impossibilité de jouer des rencontres officielles à raison d’une pandémie ne figure pas nécessairement au titre des sinistres couverts par les polices d’assurance classiques et pourrait même en être parfois explicitement exclu. Évidemment, une analyse au cas par cas est nécessaire et, en cas de difficulté d’interprétation, il n’est pas impossible que les tribunaux compétents viennent clarifier l’interprétation de certaines polices d’assurance.

Des mesures de soutien de l’État qui peuvent s’appliquer aux clubs, mais pas de dispositif spécifique pour le secteur du sport.

Le gouvernement a mis en place plusieurs mesures de soutien pour les entreprises, dont certaines peuvent présenter un intérêt pour les clubs, au moins pour limiter l’impact de cette crise sur leur situation de trésorerie :

• Délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts directs).
• Dans les situations les plus difficiles, des remises d’impôts directs pouvant être décidées dans le cadre d’un examen individualisé des demandes.
• Mobilisation de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros pour garantir des lignes de trésorerie bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie.
• Soutien de l’État et de la Banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires.
• Maintien de l’emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé (auquel des clubs de Ligue 1 1ère division française de football professionnel (20 clubs). Conforama (distribution d’ameublement et électroménager), partenaire naming 2017-2020 (7 M€ par saison). ont déjà indiqué vouloir recourir, tant pour les joueurs professionnels que pour le personnel administratif).
• Appui au traitement d’un conflit avec des clients ou fournisseurs par le Médiateur des entreprises.
• Reconnaissance par l’État et les collectivités locales du coronavirus comme un cas de force majeure, ce qui pourrait être de nature à justifier, au cas par cas, certaines inexécutions contractuelles.

Des défis pour les mois qui viennent »

Au-delà de ces mesures d’urgence qui ont pour but de permettre au secteur productif de passer le cap de la crise sanitaire, la question se posera tôt ou tard de savoir quels mécanismes de solidarité interne le monde du football sera en capacité de mettre en œuvre pour continuer d’assurer un spectacle de qualité, de garantir une présence équilibrée sur les territoires et de limiter l’inflation des coûts. Autant de défis qui occuperont à n’en pas douter les différents organes de gouvernance internationaux et nationaux dans les mois qui viennent.

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