Confinement : « Des conséquences psychologiques après une dizaine de jours » (Karen Pariente, Stimulus)
« La grande majorité des Français se retrouve à rester chez elle avec des conditions plus ou moins confortables, avec une privation de liberté et une situation qui pourrait s’étaler sur plusieurs semaines. Sur le plan psychique, au-delà d’un certain nombre de jours (en moyenne autour d’une dizaine de jours), nous verrons apparaître chez certaines personnes un certain nombre de conséquences psychologiques : dépression, moral à la baisse, difficultés à se projeter dans l’avenir », déclare Karen Pariente, responsable des activités du pôle Care Services chez Stimulus Conseil
Conseil en santé psychologique au travail
Création : 1989
Domaines d’expertise :
• La gestion du stress,
• La motivation et l’engagement au travail,
• L’évaluation et la prévention des…
, dans un entretien à News Tank, le 18/03/2020.
Emmanuel Macron, président de la République, a annoncé le lundi 16/03/2020 deux semaines de confinement à compter du mardi 17/03/2020 (midi) pour limiter la propagation de la pandémie de coronavirus (Covid-19) qui a déjà touché 22 300 personnes en France et fait 1 100 morts au 24/03/2020. Le conseil scientifique qui assiste le gouvernement français estime « indispensable de prolonger le confinement » jusqu’à fin avril 2020, le 24/03/2020.
« Il y a tout un tas de conditions sociales et environnementales qui joueront sur la manière dont chacun traversera cette période. Cela dépendra aussi de la possibilité et capacité des uns et des autres à pouvoir maintenir une activité, notamment professionnelle. Être actif, continuer à se dépenser et à se sentir utile, tout cela protège des éventuels effets “dépressogènes” », explique Karen Pariente.
« Le fait d’acter et d’accepter que l’activité puisse en être au moins en partie impactée me semble aussi nécessaire pour que les salariés se sentent suffisamment pris en compte. Continuer de fonctionner exactement de la même manière y compris en termes de productivité, de résultats et parfois de qualité est une démarche peu réaliste », ajoute-t-elle.
Karen Pariente répond aux questions de News Tank.
« Dès que nous passerons le cap des annonces et qu’on s’installera dans le temps, cela risque de devenir compliqué pour certaines personnes » (K. Pariente, Stimulus Conseil)
Vous avez organisé les 11 et 13/03/20 un webinaire pour les entreprises face à l’intensification de la crise du coronavirus en France. Depuis le confinement annoncé par le président de la République le 16/03/2020, la situation a-t-elle pris une autre ampleur ?
L’objectif de ce webinaire était de permettre aux entreprises de :
- Comprendre en quoi et comment une telle épidémie pouvait toucher émotionnellement parlant les personnes.
- Analyser les réactions qui pouvaient apparaître et les comprendre.
- Ne pas se laisser gagner par la panique, dépasser et gouverner par des émotions comme l’angoisse ou la peur.
La grande majorité des Français se retrouve à rester chez elle, avec des conditions plus ou moins confortables, avec une privation de liberté et une situation qui pourrait s’étaler sur plusieurs semaines. Sur le plan psychique, au-delà d’un certain nombre de jours (en moyenne autour d’une dizaine de jours), nous verrons apparaître chez certaines personnes un certain nombre de conséquences psychologiques :
• Dépression.
• Moral à la baisse.
• Difficultés à se projeter dans l’avenir.
Nous sommes aujourd’hui au tout début du processus : les gens sont à la fois dans la sidération, ou en pilotage automatique en se ravitaillant à outrance. Mais dès que nous passerons le cap des annonces et des réactions très actives, et qu’on s’installera dans le temps, cela risque de devenir compliqué pour certaines personnes. Et quand la situation reviendra à la normale, nous constaterons chez certains des difficultés à remettre le pied dans un quotidien confortable. Le fait d’avoir été un peu ou beaucoup désocialisé ne sera pas si facile à dépasser pour retrouver des habitudes de vie un peu plus normales.
Quels sont les profils à risques ? Ceux avec des fragilités psychologiques ?
Pouvoir maintenir une activité »Cela dépend des fonctionnements psychologiques, des fragilités, failles… Tout est lié à ce que nous sommes, à notre parcours de vie et à notre environnement. Être confiné chez soi, mais avec un entourage, ne met pas dans les mêmes conditions que si l’on est relativement isolé socialement. Il y a tout un tas de conditions sociales et environnementales qui joueront sur la manière dont chacun traversera cette période. Cela dépendra aussi de la possibilité et capacité des uns et des autres à pouvoir maintenir une activité, notamment professionnelle. Être actif, continuer à se dépenser et à se sentir utile, tout cela protège des éventuels effets « dépressogènes ».
La « fuite » de certains Parisiens en province vous paraît-elle compréhensible ?
Des déplacements Paris-province difficilement évitables »Il fallait s’attendre à ces mouvements-là à partir du moment où il y avait une annonce de confinement. Un bon nombre de Parisiens n’ont pas leur entourage sous la main et d’autre part, vivent dans des conditions, en termes d’espace et de promiscuité, qui ne sont pas forcément géniales lorsqu’on se projette dans plusieurs semaines de confinement. J’entends l’impact sur l’éventuel risque sanitaire, mais c’était difficilement évitable, comme un mouvement de foule ou de panique quand il se passe quelque chose de beaucoup plus brutal et ponctuel.
L’activité partielle, le télétravail, la garde des enfants tout en travaillant … ces nouveaux modes de vie et de travail ont-ils aussi des incidences psychologiques ?
Les sujets d’anxiété viennent se surajouter au risque sanitaire »Probablement oui, mais pas tous ces dispositifs de la même manière. Ne plus pouvoir maintenir son travail à domicile à cause de l’incompatibilité avec la garde d’enfant ou l’activité partielle font émerger des craintes qui se surajoutent. Nous les entendons, dans les différents dispositifs d’écoute et d’accompagnement que l’on peut avoir avec des entreprises. Les sujets d’anxiété viennent se surajouter au risque sanitaire. Les personnes qui ne sont pas éligibles au télétravail sont probablement en train de se demander ce qu’elles vont devenir sur le plan professionnel et l’impact à moyen, voire long terme, sur le maintien de leur activité.
Quand une situation d’incertitude est liée à des craintes, nous avons plutôt tendance à avoir des scénarios pessimistes. C’est là où toutes les informations qui peuvent être données au fur et à mesure au sein d’une entreprise sont importantes pour ménager l’impact de cette crise : être clair et exhaustif sur les cas de figure et les actions mises en place.
Que conseillez-vous aux entreprises alors que les salariés sont parfois à distance ?
La crainte véhiculée pour le télétravail est une moindre productivité. Alors que de nombreuses études révèlent que c’est le contraire.
Quand les salariés travaillent de chez eux, ils ont plutôt tendance à gommer les limites entre la vie personnelle et professionnelle : ne pas maintenir des horaires, ne pas faire des pauses régulières, ne pas prendre le temps pour le déjeuner, etc.
Les conseils d’organisation de son temps de travail à domicile permettent de travailler dans de bonnes conditions en termes de confort, d’hygiène mentale, et d’efficacité. Ces conseils de bon sens peuvent être partagés avec le management et celui-ci peut être le relais de ces bonnes pratiques en se les appliquant à eux-mêmes aussi. Le maintien du lien à distance est aussi possible avec les nouvelles technologies.
Accepter que l’activité puisse en être au moins en partie impactée »
Le fait d’acter et d’accepter que l’activité puisse en être, au moins en partie impactée, me semble aussi nécessaire pour que les salariés se sentent suffisamment pris en compte. Continuer de fonctionner exactement de la même manière y compris en termes de productivité, de résultats et parfois de qualité est une démarche peu réaliste.
Le déni, nous pouvons le constater aussi sur le collectif. Il ne permet pas à un individu ou à une structure de continuer à fonctionner de manière efficiente sur la durée. Si nous ne prenons pas objectivement tous les déterminants d’une réalité, y compris à la mesure du fonctionnement d’une entreprise, celle-ci ne peut fonctionner dans une situation de crise, de manière la plus efficiente possible.
Quels sont les signaux d’alerte faibles pour les entreprises ?
L’apparence peut être un bon signal d’alarme »Tout changement notable par rapport à des habitudes de fonctionnement peut a minima interpeller et inciter à prendre des nouvelles de manière un petit peu plus rapprochée. Dans la manière d’échanger par mail, par exemple, un salarié qui est très actif et qui le serait moins, pourrait interpeller et donner l’envie de creuser. Le fait d’avoir des échanges plus restreints avec un vocabulaire, soit un peu plus pauvre, ou connoté négativement, peut mettre la puce à l’oreille au manager. Avec un contact vidéo, l’apparence peut être un bon signal d’alarme. Il ne s’agit pas non plus de conclure que si une personne est habillée de manière confortable, c’est qu’elle ne va pas bien. L’impact sur le travail en lui-même, en quantité, ou qualité peuvent aussi avoir un lien avec l’état de santé.
Que se passe-t-il pour les salariés dont le métier n’est pas éligible au télétravail et qui se retrouvent soit en activité partielle, soit en arrêt de travail ?
Les salariés en activité partielle risquent probablement de développer une angoisse sur la pérennité à moyen ou long terme de leur travail. Cela dépendra de la durée des mesures de confinement.
Quels conseils donner aux entreprises en cas d’activité partielle ?
La manière de vivre ces instants-là sera très dépendante de la manière dont l’entreprise communique et maintient un bon niveau d’information transparent et complet sur :
- la situation actuelle,
- les échéances de projection,
- les mesures d’accompagnement,
- la prise de nouvelles régulières des salariés en activité partielle,
- les risques car si l’on ne dit pas les choses, les personnes se font leurs propres scénarios.
Il faut rester au contact des salariés et les tenir informés, même si c’est pour diffuser des informations qui ne sont pas positives ou pleinement rassurantes.
Les entreprises vous contactent-elles pour connaître les bonnes pratiques ?
Des entreprises de secteurs d’activité variés nous sollicitent »Nous commençons à être sollicités depuis les annonces du président Macron par des entreprises de secteurs d’activité variés (industrie, services à la personne, médical et paramédical… ) pour maintenir nos dispositifs d’écoute et d’accompagnement individuel ou pour les aider à gérer cette période de crise auprès des managers ou des collaborateurs.
Quelles sont les attentes des entreprises ?
Soit nous sommes au cœur de notre métier (écoute, accompagnement, soutien psychologique), soit nous aidons l’encadrement, les directions et le management à faire face aux changements des modes d’organisation du travail, comme les bonnes pratiques pour la mise en place du télétravail, ou pour les outiller sur la bonne manière de gérer des personnes en détresse eu égard à cette crise sanitaire.
Karen Pariente
Responsable des activités du pôle Care Services @ Stimulus Conseil
Consultante manager @ Stimulus Conseil
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Parcours
Responsable des activités du pôle Care Services
Consultante manager
Psychologue clinicienne
Psychologue clinicienne - Psychothérapeute
Fiche n° 38822, créée le 23/03/2020 à 13:35
Stimulus Conseil
Création : 1989
Domaines d’expertise :
• La gestion du stress,
• La motivation et l’engagement au travail,
• L’évaluation et la prévention des risques psychosociaux,
• L’amélioration de la qualité de vie au travail,
• La psychologie positive
Fondateur : Patrick Légeron
Président : David Mahé
Directeur général France : Emmanuel Charlot
Tél. : 01 42 96 92 62
Catégorie : Conseils & Etudes
Adresse du siège
28 rue de Mogador75009
75009 Paris France
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Fiche n° 9755, créée le 23/03/2020 à 13:38
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