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Droit social : licencier son entraîneur pour faute grave n’est pas chose aisée (Me Thierry Granturco)

News Tank Football - Paris - Analyse n°102139 - Publié le 22/09/2017 à 10:04
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©  D.R.
Th. Granturco - ©  D.R.

« Les juges ont toujours, en France, du mal à appréhender le monde du sport professionnel et plus particulièrement celui du football. Mais ils ont par contre bien compris qu’un entraîneur n’obtenant pas les résultats escomptés pouvait très vite être licencié », explique Me Thierry Granturco, avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles et associé chez DS Avocats, le 22/09/2017.

Au terme d’une longue procédure, Michel Estevan vient de faire condamner son ancien club, l’Union sportive Boulogne Côte d’Opale (USBCO, en National en 2017-18), à un peu plus de 95 000 euros (10 000 € à titre de rappel de salaires et plus de 85 000 € de dommages et intérêts) en réparation de la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée, indique Me Granturco, spécialiste de droit du sport, qui analyse la décision de la Cour d’appel d’Amiens du 12/09/2017 pour News Tank.


Les faits et la procédure

L’USBCO - ©  D.R.
Michel Estevan avait été engagé comme entraîneur par l’USBCO (alors en Ligue 2), le 30/12/2010 pour une durée de 18 mois devant expirer le 30/06/2012. Il succédait ainsi à Laurent Guyot, limogé faute de résultats.

Michel Estevan fut mis à pied et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement dès le 07/10/2011 avant d’être licencié pour faute grave le 20/12/2011.

Il contesta le bien-fondé de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-sur-Mer, puis devant la Cour d’appel de Douai, qui tous deux rejetèrent ses demandes, par des jugements en date des 11/06/2013 et 31/10/2014.

L’entraîneur décida alors de se pourvoir en cassation et c’est par un arrêt rendu le 10/02/2016 que la Cour de cassation lui donna finalement satisfaction en cassant le jugement de la Cour d’appel de Douai et en renvoyant l’affaire devant la Cour d’appel d’Amiens, pour jugement au fond.

 La décision et sa motivation

La Cour d’appel d’Amiens a rendu son arrêt en date du 12/09/2017. Elle s’est penchée sur les griefs du club, tenant dans une lettre de licenciement de 20 pages par laquelle le club de Boulogne-sur-Mer faisait part :

  • du non-respect de ses obligations d’entraîneur professionnel par Michel Estevan
  • de comportements inadmissibles de sa part
  • du non-respect de l’article 679 de la Charte du football professionnel (actuel article 655, lire ci-dessous) qui interdit à un entraîneur de football professionnel d’exercer une autre activité salariale, libérale ou commerciale.

• « L’entraîneur titulaire du DEPF (ou BEPF) responsable de la direction technique du club et l’entraîneur titulaire du certificat de formateur responsable du centre de formation des joueurs professionnels ne peuvent, sous peine de résiliation de contrat, sans indemnité, exercer aucune activité salariale, libérale ou commerciale. »

La Cour a fait une interprétation stricte de l’article L. 1243-1 du Code du travail et de la faute grave. Elle constata d’abord que Michel Estevan fit l’objet d’une promotion interne en septembre 2011, soit seulement quelques jours avant sa mise à pied et trois mois avant son licenciement.

Michel Estevan - ©  D.R.
Elle rappelle ensuite que tous les faits antérieurs de plus de deux mois à l’amorce de la procédure de licenciement ne peuvent pas être utilisés pour justifier d’une faute grave.

Finalement, concernant la soi-disant infraction à l’article 679 de la Charte du football professionnel, les juges d’appel considèrent que le club de Boulogne-sur-Mer, ne précisant pas quand il a eu connaissance de cette information et quel rôle son coach a pu jouer dans l’entreprise en question, ces arguments ne sauraient être retenus.

Elle en conclut donc qu’aucun des comportements invoqués par le club n’est constitutif d’une faute grave et qu’en réalité, seuls les mauvais résultats sportifs ont véritablement motivé le licenciement de l’entraîneur. 

En conséquence, la Cour d’appel d’Amiens estime que le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse et condamne l’USBO à indemniser son ancien coach.

Conclusion

Les juges ont toujours, en France, du mal à appréhender le monde du sport professionnel et plus particulièrement celui du football. Mais ils ont par contre bien compris qu’un entraîneur n’obtenant pas les résultats escomptés pouvait très vite être licencié.

Par conséquent, un club se trouvant dans une situation sportive critique et qui décide de se séparer de son coach pour faute grave, voire pour faute lourde, doit partir du principe que pèsera immanquablement sur lui la présomption - difficilement réfragable - qu’il tente de se séparer de son coach à moindre frais.

Michel Estevan vient tout juste de nous le rappeler.

• L’US Boulogne Côte d’Opale est 14e au classement 2017-18 de National, après 6 journées, avec 5 points (1 victoire, 2 nuls et 3 défaites).

• Prochain match : Concarneau US - US Boulogne CO (8e journée), au Stade Guy-Piriou de Concarneau, le vendredi 22/09/2017 (coup d’envoi à 20 heures).

Thierry Granturco


• Avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles depuis 1990

• Expert juridique pour la Commission européenne

• Expert juridique pour l’ONU (UNECE)

• Spécialiste de droit du sport

• Ancien footballeur de haut niveau et entraîneur UEFA « A »

Formation :

• ENA (promotion Emma Bonino - Cycle des hautes études européennes)
• INHESJ (Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice)

• Docteur en Science Politique (Université Paris 1)
• Docteur en Relations internationales (CEDS - EHEI)
• DEA en droit européen


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Fiche n° 25511, créée le 07/09/2017 à 15:37 - MàJ le 22/09/2017 à 10:04


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