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ExclusifPSG-MU : « L’assistance vidéo règle quelques problèmes, mais elle ne règlera jamais tout » (M. Platini)

News Tank Football - Paris - Entretien n°141942 - Publié le 08/03/2019 à 15:59 -
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©  beIN Sports
Michel Platini - ©  beIN Sports

« Je le dis depuis des années : la vidéo règle quelques problèmes, mais elle ne règlera pas tous les problèmes et notamment pas toutes les interprétations de l’arbitrage », affirme Michel Platini, ancien international français (72 sélections, 41 buts entre 1976 et 1987) et ex-président de l’UEFA Union des Associations Européennes de Football (2007-2015) dans un entretien exclusif à News Tank, le 08/03/2019.

« En ce qui concerne Kimpembe, avez-vous déjà essayé de sauter sans lever les bras ? (…) Il y a forcément des gestes volontaires et des gestes involontaires et ça, c’est à l’arbitre sur le terrain de le décider », ajoute Michel Platini.

Un penalty a été accordé dans les dernières minutes du huitième de finale retour de Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain (Ligue 1 Conforama) et Manchester United (Premier League) (2-0, 1-3), le 06/03/2019. Cette décision, qui sanctionnait une déviation du bras du Parisien Kimpembe, a été prise après consultation de la vidéo au bord du terrain par l’arbitre, M. Skomina (SLO).

« Pour tout ce qui peut relever de l’interprétation, l’assistance vidéo ne change rien et aggrave même les choses ! Pourquoi ? Parce que tout simplement la lecture d’un fait de jeu par des personnes installées devant un écran n’est pas la même que celle des gens qui voient l’action en vrai. Et ce constat d’un fait de jeu se substitue trop souvent à l’interprétation de l’arbitre de terrain et devient décision d’arbitrage », regrette Michel Platini qui répond aux questions de News Tank.


« Des éléments d’assistance vidéo sont bons, utiles et peuvent aider l’arbitre » (M. Platini, le 08/03/2019)

  • Que pensez-vous du penalty accordé à Manchester United pour un ballon touché du bras par Presnel Kimpembe en fin de rencontre, face au Paris SG, au Parc des Princes, le 06/03/2019 et qui provoque l'élimination des Parisiens (2-0, 1-3) ?
La vidéo n’apporte pas grand-chose »

Je le dis depuis des années : la vidéo règle quelques problèmes, mais elle ne règlera pas tous les problèmes et notamment pas toutes les interprétations de l’arbitrage. Pendant pas mal d’années, j’ai joué devant des caméras de télévision. Et il est arrivé qu’il n’y ait pas penalty alors que j’avais été fauché dans la surface ou qu’il y ait penalty sans que j’aie été touché. Même si aujourd’hui, les caméras sont devenues beaucoup plus performantes, la vidéo n’apporte pas grand-chose.

Essayons de protéger le jeu plutôt que de vouloir toujours protéger les arbitres »

En ce qui concerne Kimpembe, avez-vous déjà essayé de sauter sans lever les bras ? On avait aussi, à une époque, le problème du coup de coude de la part de celui qui saute. La coude se retrouve souvent en opposition par rapport à l’adversaire et cela peut créer des traumatismes. Mais on ne peut pas sauter sans lever les bras. Alors, que faut-il faire ? Il y a forcément des gestes volontaires et des gestes involontaires et ça, c’est à l’arbitre sur le terrain de le décider. D’où la lettre que j’ai envoyée à la FIFPro Fédération Internationale des Footballeurs Professionnels (le 03/03/2019, voir ci-dessous), pour dire : attention, essayons de protéger le jeu plutôt que de vouloir toujours protéger les arbitres.

Paris SG - Manchester United : ballon dévié du bras par Kimpembe - ©  UEFA

  • L’assistance vidéo a toutefois déjà permis d'éviter des injustices flagrantes ?

Antoine Griezmann (FRA) après France-Croatie, le 15/07/2018 - ©  D.R.
Quand on parlait autrefois de l’arbitrage vidéo, quand je disais à Joseph Blatter (alors président de la FIFA) de ne pas introduire la goal line technology parce que « tu ne sais pas où ça va finir, l’arbitrage vidéo et la technologie » -il en a convenu d’ailleurs dans une interview, il y a quelques mois-, on évoquait alors un arbitrage intégralement fait par la vidéo. Aujourd’hui, ce qui est en place, ce n’est pas de l’arbitrage vidéo, c’est de l’assistance vidéo à l’arbitrage, ce n’est pas la même chose !

Si on avait appliqué l’arbitrage vidéo intégral, il n’y aurait pas eu le premier but de la France en finale de la Coupe du monde (France - Croatie, 4-2, à Moscou, le 15/07/2018). Car il n’y a pas faute sur Griezmann. L’arbitrage vidéo intégral aurait montré qu’il n’y avait pas faute. Donc pas coup franc, dont pas but ! (alors que l’assistance vidéo n’intervient que dans quatre cas précis : but, penalty, carton rouge direct ou erreur d’identité pour un carton).

IFAB : les quatre cas d'intervention de l'assistance vidéo à l'arbitrage - ©  FIFA

Ensuite, il y a eu la main du Croate (Perisic) sur le deuxième but français (penalty de Griezmann) : pendant un millième de seconde, il prend la balle sur la main. Quand on revoit l’action au ralenti, ça dure 30 secondes, on a l’impression que c’est volontaire, c’est sûr. Alors qu’au départ, ce n’est pas du tout volontaire. Il y a donc des choses qui relèvent complètement de l’interprétation de l’arbitre.

Après, si on parle uniquement d’assistance vidéo, il y a des choses simples sur lesquelles l’assistance vidéo peut aider. Comme les lignes : y a-t-il but ? y a-t-il hors-jeu ? la faute a-t-elle été commise dans la surface ? Ça, ce sont des éléments d’assistance vidéo qui sont bons, qui sont utiles et qui peuvent aider l’arbitre. Pour le hors-jeu, par exemple, j’y crois.

L’interprétation face un écran de télévision n’est pas possible ! »

En revanche, pour tout ce qui peut relever de l’interprétation, l’assistance vidéo ne change rien et aggrave même les choses ! Pourquoi ? Parce que tout simplement la lecture d’un fait de jeu par des personnes installées devant un écran n’est pas la même que celle des gens qui voient l’action en vrai. Et ce constat d’un fait de jeu se substitue trop souvent à l’interprétation de l’arbitre de terrain et devient décision d’arbitrage. Devant cet écran, leur mission ne consiste pas à déterminer s’il y a penalty, ils doivent regarder juste s’il y a main ou pas. Ce n’est pas la même chose. A l’écran, ils regardent s’il y a eu contact. Pourtant il peut y avoir contact sans qu’il y ait faute ! « Il a touché le joueur, donc il y a penalty ! » Non, toucher, cela ne veut pas dire faire faute, pas forcément ! L’interprétation face un écran de télévision n’est pas possible !

• L’assistant vidéo, après avoir vérifié les différents angles à sa disposition, a recommandé à l’arbitre un examen au bord du terrain après l’incident de la surface de réparation.

• Étant donné que l’arbitre n’a pas reconnu clairement l’incident pendant le jeu en direct (appelé « incident grave manqué » dans le protocole VAR Video Assistant Referee (assistance vidéo à l’arbitrage) ), un examen sur le terrain a été effectué.

• Après l’examen sur le terrain, l’arbitre a confirmé que la distance parcourue par le ballon n'était pas courte et que l’impact ne pouvait donc pas être inattendu. Le bras du défenseur n'était pas près du corps, ce qui a fait que le corps du défenseur avait une surface plus étendue, ce qui a empêché le ballon de se déplacer dans la direction du but. L’arbitre a donc accordé un penalty.

• Toutes ces décisions ont été prises en parfait respect du protocole VAR Video Assistant Referee (assistance vidéo à l’arbitrage) .

UEFA, communiqué du 08/03/2019

  • «  Si l’arbitre ne s'était fié qu'à son intuition, aurait-il sifflé penalty ? » se demandait Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, sur News Tank au lendemain du match…
L’arbitre devient une marionnette »

Vous avez quatre mecs qui sont devant des écrans, l’arbitre attend cinq minutes, on regarde 20 fois les ralentis sous toutes les coutures pour voir s’il y a main, on a l’impression que c’est volontaire … L’arbitre devient surtout une marionnette qui n’est plus responsable de rien. Sans compter que ça coûte une fortune…

  • Mais ce sont des arbitres qui sont assistants vidéo. Vous aviez en tout cas parlé de « bricolage vidéo » dans L'Équipe en août 2018, vous n’avez pas changé d’avis ?
Bricolage vidéo ou assistance vidéo, c’est la même chose ! »

Bricolage vidéo ou assistance vidéo, c’est la même chose ! Moi, j'étais contre l’arbitrage vidéo. Aujourd’hui, on parle d’assistance vidéo. Quand on fait le bilan et qu’on regarde tout ce qui est arrivé, c’est du bricolage vidéo. Une assistance vidéo limitée aux lignes, d’accord. Mais laissons l’interprétation à l’arbitre ! La main est-elle volontaire ou involontaire, cela relève de la seule interprétation de l’arbitre.

Mon coup de gueule et ma lettre à la FIFPro Fédération Internationale des Footballeurs Professionnels , c’est contre l'International Board International Football Association Board, organisme garant des lois du jeu (football) qui décide que toute main dans les 18 mètres vaut penalty et élimine l’interprétation de l’arbitre de terrain. Maintenant, si je suis footballeur, au lieu de tirer au but, je vais tirer dans la main du défenseur.

  • Mais cette nouvelle règle adoptée par l'IFAB le 02/03/2019 et qui entre en vigueur le 01/06/2019 ne rend-elle pas les choses plus simples en supprimant la notion d’intentionnalité ? Kimpembe touche le ballon du bras : penalty !
L’esprit du football, ce n’est pas ça »

Pas du tout ! Ou alors maintenant, je tirerai dans les mains du défenseur plutôt qu’essayer de trouver la tête d’un coéquipier. L’International Board fait cette règle parce que ce sera plus simple pour eux, mais l’esprit du football, ce n’est pas ça ! C’était la même chose pour le hors-jeu, quand il a été créé, il y a longtemps. La règle était conçue pour sanctionner celui qui était vraiment « hors jeu », c'était net. Quand on est sur la ligne, on n’est donc pas hors-jeu ! Maintenant, avec l’assistance vidéo, l’arbitre de touche ne lève pas son drapeau et attend qu’il y ait but ou pas but pour signaler un hors-jeu…

  • Nasser Al-Khelaïfi, président du Paris SG, a dit que c'était plus facile de siffler contre Paris. Ne s’agit-il que de la réaction à chaud d’un président déçu ?

J’ai été longtemps président de l'UEFA Union des Associations Européennes de Football et 20 ans dans les instances : je n’ai jamais senti qu’il y avait un arbitrage orienté ou qu’on arbitrait contre les uns ou contre les autres.

Michel Platini, à News Tank, le 08/03/2019

« L’arbitre ne doit pas faire main basse sur l’essence même du football » (M. Platini, courrier à la FIFPro Fédération Internationale des Footballeurs Professionnels , le 03/03/2019)

Courrier de Michel Platini à la FIFPro et à son président Philippe Piat, le 03/03/2019 - ©  D.R.

Michel Platini


• 09/05/2016 : sanction réduite à quatre ans de suspension par le Tribunal Arbitral du Sport.

• 24/02/2016 : sanction réduite à six ans de suspension par la commission de Recours de la FIFA.

• 21/12/2015 : condamné à huit ans de suspension par la commission d'Éthique de la FIFA.

• 08/10/2015 : suspendu de toute activité dans le football pour 90 jours à titre conservatoire par la commission d'Éthique de la FIFA.

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• 24/03/2015 : réélu président de l’UEFA par acclamation pour quatre ans à Vienne (AUT).

• 22/03/2011 : réélu président de l’UEFA par acclamation pour quatre ans à Paris (FRA).

26/01/2007  : élu président de l’UEFA (Union des Associations Européennes de Football) à Düsseldorf, ALL).

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• Ancien milieu de terrain de l’AS Nancy-Lorraine (1973-1979), de l’AS Saint-Étienne (1979-1982) et de la Juventus de Turin, ITA (1982-1987).

• Vainqueur des Ballons d’Or 1983, 1984 et 1985.

• 72 sélections en équipe de France, 41 buts.


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Parcours

FIFA
Vice-président
UEFA
Président
FIFA
Membre du comité exécutif
FIFA
Conseiller du président Joseph Blatter
Comité français d’organisation de la Coupe du monde 1998
Coprésident
Fédération Française de Football (FFF)
Sélectionneur de l'équipe de France

Fiche n° 2164, créée le 20/02/2014 à 17:04 - MàJ le 06/04/2022 à 10:38

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