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Maintien des Girondins en L2 : « Un manque d’équité par rapport aux autres clubs » (C. Amson, avocat)

News Tank Football - Paris - Entretien n°260835 - Publié le 09/08/2022 à 09:00
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Charles Amson, avocat au Barreau de Paris et spécialiste en Droit du Sport -

« Sur un plan juridique, la décision de maintenir le FC Girondins de Bordeaux Activité : club de football professionnel français Partenaire majeur de l'équipe masculine : • adidas (équipementier) : 2020-2025, 1 M€ / saisonPartenaires premium de équipe masculine : • Bistro… en Ligue 2 BKT Appellation du Championnat de France de Ligue 2 pour la période 2020-2024 : prolongation jusqu’en 2027-28 annoncée le 14/06/2023.

Balkrishna Industries Ltd. (BKT), fabricant indien de pneus, a obtenu…
m’a surpris. Le point qui m’a le plus interpellé concerne le fait que la proposition du conciliateur du CNOSF Comité National Olympique et Sportif Français , qui a ensuite été suivie par le comité exécutif de la FFF Fédération Française de Football , soit revenue sur l’appréciation de la DNCG Direction Nationale du Contrôle de Gestion d’appel au motif que les Girondins avaient apporté depuis des éléments nouveaux. Or il est bien précisé à l’article 5 de l’annexe de la convention FFF / LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) portant règlement de la DNCG que le club qui fait appel de la décision de la DNCG de première instance a jusqu’au jour de l’audience devant la DNCG d’appel pour apporter “tout document ou engagement nouveau.” Il y a là, à l’évidence, un manque d’équité par rapport aux autres clubs qui ont fait l’effort de respecter le calendrier prévu au règlement », déclare Charles Amson, avocat au Barreau de Paris et spécialiste en droit du Sport, à News Tank, le 08/08/2022.

La commission d’appel de la FFF avait en effet confirmé le 05/07/2022 la décision de la DNCG du 14/06/2022 prononçant la rétrogradation en National 1 Troisième division française, 18 clubs  pour 2022-23 du FC Girondins de Bordeaux, déjà relégué sportivement en Ligue 2 BKT pour avoir terminé la saison 2021-22 de Ligue 1 Uber Eats à la 20e et dernière place du classement. Une sanction finalement remise en cause par la proposition de conciliation du CNOSF du 25/07/2022, que le comex de la FFF a décidé de suivre deux jours plus tard, actant ainsi le maintien du club en deuxième division.

« Puisque le CNOSF statue en équité, il aurait, selon moi, pu proposer le maintien du club en lui imposant de démarrer le championnat avec plusieurs points de retard par exemple. On aurait alors eu l’impression de voir les agissements abusifs des dirigeants bordelais sanctionnés au moins a minima. Finalement, le club se retrouve avec le plus gros budget de Ligue 2 sans aucune sanction et est d’ailleurs déjà parmi les premiers du championnat (2e avec 4 points en deux journées). Cela me parait relativement choquant », ajoute Charles Amson, qui répond aux questions de News Tank.


« Un détournement de l’esprit du texte » (C. Amson)

L’issue de la procédure administrative concernant les Girondins de Bordeaux, finalement maintenus en Ligue 2 BKT Appellation du Championnat de France de Ligue 2 pour la période 2020-2024 : prolongation jusqu’en 2027-28 annoncée le 14/06/2023.

Balkrishna Industries Ltd. (BKT), fabricant indien de pneus, a obtenu…
, vous a-t-elle surpris ?

Sur un plan juridique, elle m’a effectivement surpris. Le point qui m’a le plus interpellé concerne le fait que la proposition du conciliateur du CNOSF Comité National Olympique et Sportif Français , qui a ensuite été suivie par le comité exécutif de la FFF Fédération Française de Football , soit revenue sur l’appréciation de la DNCG Direction Nationale du Contrôle de Gestion d’appel au motif que les Girondins avaient apporté depuis des éléments nouveaux. Or il est bien précisé à l’article 5 de l’annexe de la convention FFF / LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) portant règlement de la DNCG que le club qui fait appel de la décision de la DNCG de première instance a jusqu’au jour de l’audience devant la DNCG d’appel pour apporter « tout document ou engagement nouveau. »

Les Girondins ont apporté devant le CNOSF de nouveaux éléments de nature à éclairer différemment leur situation financière »

Manifestement, les Girondins n’avaient pas apporté lesdits éléments au moment de l’audition devant la DNCG d’appel puisque celle-ci a confirmé la décision de première instance. Ils ont apporté devant le CNOSF de nouveaux éléments de nature à éclairer différemment leur situation financière suite notamment à la décision du 19/07/2022 du Tribunal de Commerce de Bordeaux.

Il y a là, selon moi, un détournement de l’esprit du texte puisque les clubs savent très bien depuis le début de la saison qu’ils ont un calendrier, prévu à l’annexe 1 du Règlement de la DNCG, à respecter pour présenter leur situation financière.

Il y a là, à l’évidence, un manque d’équité par rapport aux autres clubs qui ont fait l’effort de respecter ce règlement.

La FFF décide le maintien des Girondins de Bordeaux en Ligue BKT le 27/07/2022 - ©  FFF

La position du CNOSF est-elle inédite de ce point de vue-là ?

LE CNOSF peut statuer en équité, c’est-à-dire qu’il peut sortir du cadre strict des textes »

Le conciliateur du CNOSF n’est pas un juge étatique mais doit obligatoirement, et sous peine d’irrecevabilité, être saisi avant que le requérant n’aille devant le juge. En tant que conciliateur, il peut statuer en équité, c’est-à-dire qu’il peut sortir du cadre strict des textes pour proposer une solution qui lui parait juste. Mais est-il vraiment équitable d’aider un club qui, encore une fois, n’a pas respecté le calendrier s’imposant à l’ensemble des autres clubs professionnels français ?

L’équité n’aurait-elle pas plutôt consisté à traiter de la même manière tous les clubs, les Girondins comme les autres, même amateurs, qui ont été rétrogradés dans les divisions inférieures faute d’avoir apporté les documents justifiant leur situation financière dans les délais ?

La motivation de la proposition du conciliateur me semble traduire une situation inédite »

Autrement dit, la motivation de la proposition du conciliateur - selon laquelle la DNCG d’appel n’a pas commis de faute mais sur la décision de laquelle des éléments nouveaux communiquées hors délai permettent de revenir- me semble traduire une situation inédite.

Si le comex de la FFF avait décidé de ne pas suivre la proposition de conciliation, comme il en avait tout à fait le droit, les Girondins auraient été obligés d’aller devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui, à mon avis, aurait été contraint de suivre un des grands principes du droit administratif selon lequel on apprécie la légalité d’une décision au jour de son édiction.

Je vois mal comment le juge administratif aurait pu leur donner raison sans revenir sur ce principe.

Le juge administratif aurait sûrement confirmé la décision de la DNCG d’appel »

On peut raisonnablement penser que le comex de la FFF, qui souhaitait probablement la participation des Girondins au championnat de Ligue 2, savait bien qu’en ne suivant pas la proposition de conciliation, le juge administratif allait sûrement confirmer la décision de la DNCG d’appel.

Même si les deux affaires ne sont naturellement pas similaires, il sera intéressant de suivre la proposition (qui devrait en principe être connue le 08/08/2022) du conciliateur du CNOSF saisi par le FC Sète, rétrogradé de National 1 en National 2 Quatrième échelon du football français.
Renommé National 2 en 2017, l’ancien Championnat de France Amateur (CFA) se compose de quatre groupes de 16 clubs amateurs en 2022-23.
par la DNCG. Un avis défavorable renforcerait l’impression qu’un traitement particulier a été réservé aux Girondins de Bordeaux. Or, comme le proclame le vieil adage, la justice ne doit pas seulement être juste mais donner l’impression qu’elle est juste.

Peut-on dire que le statut de club historique des Girondins de Bordeaux a pesé dans la décision ?

Le président du club de Villefranche-Beaujolais (National 1 Troisième division française, 18 clubs ), qui aurait pu prendre la place des Girondins en Ligue 2 si la décision de rétrogradation avait été maintenue, a soutenu en substance la thèse selon laquelle la décision n’aurait pas été prise pour des motifs exclusivement juridiques. Il évoque, sans le nommer, une sorte de détournement de pouvoir, lequel nécessite de prouver qu’une décision est prise non pas sur la base d’éléments objectifs mais sur des éléments autres, liés en l’espèce au passé du club ou encore à son poids dans le football français. Par définition, il s’agit d’un élément quasiment impossible à prouver.

Ce qui choque, c’est l’impression que les textes qui régissent le fonctionnement de la DNCG ne sont pas respectés »

Toutefois, si le conciliateur du CNOSF avait remis en cause l’appréciation de la situation par la DNCG d’appel, cela aurait beaucoup moins gêné le juriste que je suis.

Ce qui choque en l’espèce est l’impression que les textes qui régissent le fonctionnement de la DNCG ne sont pas respectés : ainsi, l’année prochaine, les clubs pourront être tentés de se dire qu’il sera possible de faire un dernier tour de table ou de décider d’un abandon de créance jusqu’au 25/07. C’est une porte ouverte à des situations abusives. On ne respecte pas des règlements qu’on connait, on se ne comporte pas bien pendant 11 mois, puis le douzième mois, si la situation se révèle trop dangereuse, on négocie avec les créanciers la renonciation à une partie de la dette et il ne nous arrive finalement rien.

Gérard Lopez (à g.), président, et Thomas Jacquemier, directeur général, le 15/07/2022 - ©  FC Girondins de Bordeaux

Le maintien des Girondins n’aurait-il pas pu être accompagné d’une sanction à son encontre ?

Puisque le CNOSF statue en équité, il aurait, selon moi, pu proposer le maintien du club en lui imposant de démarrer le championnat avec plusieurs points de retard par exemple. On aurait alors eu l’impression de voir les agissements abusifs des dirigeants bordelais sanctionnés au moins a minima.

L’AS Saint-Étienne Activité : club de football professionnel français Partenaires majeurs : • Hummel (équipementier) : 2022-2027 Partenaires officiels :• ZeBet (paris sportifs) : sponsor dos de maillot (bas)… a, par exemple, fait l’objet d’un retrait de points en raison du comportement de ses supporters lors du match de barrage contre l’AJ Auxerre Activité : club de football professionnel français Sponsors officiels :• Acadomia (formation) • Groupama Paris Val de Loire (assurance et banque)• Servistores (pièces détachés et… . Le fait de voir une telle sanction prononcée à l’encontre des Girondins en raison du comportement de leurs dirigeants, m’aurait semblé cohérent. Finalement, le club se retrouve avec le plus gros budget de Ligue 2 sans aucune sanction et est d’ailleurs déjà parmi les premiers du championnat. Cela me parait relativement choquant.

Bordeaux est 2e du classement de Ligue 2 BKT 2022-23 après 2 journées - ©  LFP

L’économie et les emplois que génère un club professionnel comme le FC Girondins de Bordeaux dans sa ville et sa région ne peut-il pas constituer un argument pertinent pour décider de ne pas le rétrograder au niveau amateur ?

Il n’y a aucun critère pour définir le poids d’un maillot »

C’est un débat intéressant mais en tant que juriste, je trouve ce raisonnement dangereux car on s’engage dans quelque chose de subjectif. Il n’y a aucun critère pour définir le poids d’un maillot. Combien de fois faut-il avoir gagné la Coupe de France ? Combien de spectateurs faut-il accueillir en moyenne ?

On pourrait d’ailleurs raisonner à l’inverse. L’arrivée du football professionnel dans une ville comme Villefranche-sur-Saône n’est-elle pas justement de nature à développer l’économie locale ?

Le club du FC Villefranche-Beaujolais (3e de National 1 en 2021-22 et battu en barrage par Quevilly Rouen Métropole) peut-il contester la décision en justice ?

Leur voie est très étroite. Comme la procédure opposait les instances du football aux Girondins de Bordeaux, Villefranche n’était pas directement concerné et ne peut pas demander l’annulation de la décision du comex de la FFF.

Le FC Villefranche-Beaujolais pourrait engager une action en responsabilité contre la LFP et la FFF »

La seule chose qu’il pourrait faire serait d’engager une action en responsabilité contre la LFP et la FFF en demandant réparation du préjudice subi : manque à gagner en termes de billetterie, de contrats de sponsoring, de droits TV, etc. Ce ne serait pas impossible théoriquement mais leur chance serait surtout forte si on s’apercevait entre temps que les Girondins ne redressaient pas la barre et étaient amenés à déposer le bilan ou à être effectivement rétrogradés dans un an. Au surplus, le club s’engagerait dans une procédure longue, en plus de donner une image de mauvais perdant.

Cependant, dans une affaire présentant certains points communs avec celle-ci, le Tribunal administratif de Châlons a condamné, par un jugement du 15/01/2021, la Fédération Française de Football à verser plus de 4,7 millions d’euros au Stade de Reims Activité : club de football professionnel français Partenaires majeurs : • Umbro (équipementier) : 2019-2024 • Reims Métropole (collectivité) • Ville de Reims (collectivité) • Hexaom… qui reprochait à la DNCG de ne pas avoir, à l’issue de la saison 2015-16, pris une mesure de rétrogradation à l’encontre du SC Bastia, laquelle sanction aurait entraîné le repêchage du club rémois.

Il s’agit d’un précédent intéressant.

Victoire des Girondins à Rodez lors de la 2e journée de Ligue 2 BKT 2022-23 - ©  Ligue 2 BKT

Quid des concurrents de Ligue 2 en cas de retour des Girondins en Ligue 1 en fin de saison ?

Ils pourraient à priori agir en justice sur le même fondement, celui de la responsabilité. J’ai le souvenir d’une telle action entreprise, il y a une quinzaine d’années, par l’Entente Sannois Saint-Gratien, 4e de National, par rapport à la situation de Valence, autorisé à participer au Championnat de Ligue 2 malgré une situation financière délicate qui l’avait finalement contraint à déposer le bilan un an après.

Les clubs s’estimant lésés en fin de saison par le maintien des Girondins pourraient envisager une action en responsabilité mais encore une fois, il vaudrait mieux pour eux que la situation financière des Girondins ne se soit pas redressée sérieusement pour qu’il y ait un espoir que la procédure aboutisse.

« La Ligue et la FFF doivent absolument modifier leur gouvernance, sinon on s’expose à des gros soucis à l’avenir », a déclaré Pierre Ferracci Président @ Paris FC (PFC) • Président-fondateur @ Groupe Alpha
, président du Paris FC Partenaire principal : • Royaume du Bahreïn : sponsor maillot, depuis 2020 Partenaires majeurs : • Groupe ADP (Construction et exploitation de pates-formes aéroportuaires), depuis… , dans Le Parisien du 01/08/2022. Qu’en pensez-vous ?

Les textes sont bien faits mais dès lors qu’on ne les applique pas, on entre dans une zone grise qui est dangereuse »

Le problème n’est, selon moi, pas la gouvernance mais l’application d’un texte qui est pourtant clair. Le règlement de la DNCG prévoit un calendrier annuel que doivent respecter les clubs tout au long de l’année à travers l’envoi des comptes, l’information éventuelle d’une aggravation (ou d’un risque d’aggravation) de la situation financière, etc.

Un autre point mérite d’être soulevé : celui de la tardiveté de ces procédures »

Les textes sont, encore une fois, bien faits mais dès lors qu’on ne les applique pas, comme en l’espèce, on entre dans une zone grise qui est dangereuse. C’est finalement l’application du principe d’égalité qui pose problème dans cette affaire. On a l’impression qu’un club s’est vu offrir une troisième chance alors qu’il n’y en a normalement que deux. Modifier la gouvernance n’empêcherait pas qu’une telle situation se reproduise.

Enfin, un autre point mérite, une nouvelle fois, d’être soulevé : celui de la tardiveté de ces procédures, en particulier par rapport aux dates de reprise des championnats. On pourrait probablement faire en sorte que la décision de la DNCG d’appel soit connue beaucoup plus tôt, ce qui éviterait de craindre que des décisions juridictionnelles ne soient rendues après le début des compétitions.

Charles Amson

Email : charles.amson@wanadoo.fr
Téléphone : +33683501458

• Avocat au Barreau de Paris.

• Docteur en droit (Université Paris-II-Panthéon-Assas), Charles Amson a soutenu, en 2008, une thèse consacrée à La place de l’arbitrage dans la résolution des litiges sportifs.

• Auteur d’un ouvrage intitulé Droit du sport (Éditions Vuibert) et de nombreux articles dans des revues juridiques, il enseigne le droit du sport dans plusieurs écoles, dont SMS (Sports Management School).

Cabinet Amson : 18, avenue Kléber 75016 Paris

www.cabinet-amson.fr

www.sportetdroit.com


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Cabinet Amson (Amson)
Fondateur / Avocat

Fiche n° 5704, créée le 03/09/2014 à 10:40 - MàJ le 06/10/2021 à 10:39

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