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ExclusifDroit : le régime de la rétrogradation en équipe réserve d’un footballeur professionnel (Me Fellous)

News Tank Football - Paris - Analyse n°212314 - Publié le 23/03/2021 à 17:01
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©  D.R.
Me Laurent Fellous - ©  D.R.

«  “Une seule solution, la réintégration” , tel est le titre du communiqué de l’UNFP Union Nationale des Footballeurs Professionnels dans lequel le syndicat des footballeurs professionnels appelle, le 24/02/2021, à la réintégration immédiate de Jean-Kévin Augustin, Thomas Basila et Bridge Ndilu, trois joueurs rétrogradés en équipe réserve par leur club, le FC Nantes Activité : club de football professionnel français Partenaires principaux : • Synergie (ressources humaines) : sponsor maillot principal, 2013-2026 • Macron (équipementier) … (Ligue 1 Uber Eats Appellation du Championnat de France de Ligue 1 pour la période 2020-2024 (15 M€ / saison). ) », indique Me Laurent Fellous Fondateur @ The F Agency (agence sportive) • Chargé d’enseignement en droit du sport @ Sup de Pub - INSEEC U • Chargé d’enseignement @ Paris School of Sports (PSS) • Avocat associé @ Fellous avocats
, avocat en droit du sport et mandataire sportif, dans une analyse pour News Tank le 23/03/2021.

« Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas isolé puisque, comme le soulignait l’UNFP à juste titre, “pas moins de 32 joueurs ont été, ou sont encore pour huit d’entre eux, privés du droit d’exercer pleinement leur métier de footballeur professionnel en France depuis le début de la saison 2020-21”  », explique Me Fellous.

« En 2019, ce sont 147 joueurs qui avaient été mis à l’écart, impactant 16 clubs de Ligue 1 et 8 de Ligue 2. Face à ces nombreuses dérives, il convient de procéder à un rappel du cadre juridique applicable en la matière avant d’évoquer l’éventuel accroissement de la protection des joueurs professionnels du fait d’une jurisprudence récente dans l’affaire Ngamukol », ajoute l’avocat dans son analyse pour News Tank.


Rappel du cadre juridique applicable

1.- Dispositions applicables

La Charte du football professionnel 2020-21 - ©  LFP
« Sauf raison médicale, le club ne saurait maintenir aucun joueur sous contrat professionnel, sous réserve des dispositions prévues au 2. ci-dessous, à l’écart du dispositif mis en place au sein du club pour la préparation et l’entraînement collectif des joueurs professionnels », dispose l’article 507, 1°, alinéa 3 de la Charte du football professionnel  Publié le 30/12/2020 à 21:30
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.

Du 01/07 au 02/09 de chaque saison depuis 2010-11, l’article 507. 2° de la Charte prévoit une dérogation en vertu de laquelle « aucune contrainte dans la gestion de l’effectif n’est imposée aux clubs durant cette période, hormis celle de permettre à tous les joueurs sous contrat professionnel de bénéficier des conditions de préparation et d’entraînement. »

Lors de la période concernée, du fait du grand nombre de joueurs pouvant transiter au sein de chaque club professionnel, ces derniers peuvent, dès lors, créer deux groupes d’entraînement, étant précisé que le second devra bénéficier de conditions expressément prévues : accès à des vestiaires, des soins et des infrastructures de qualité identique, accès à des entraînements encadrés par un entraîneur titulaire d’un diplôme fédéral, fourniture des équipements, horaires d’entraînement compatibles avec les autres conditions de préparation et d’entraînement du groupe principal.

En dehors de cette période, du 03/09 au 30/06 de l’année suivante, les clubs professionnels doivent obligatoirement donner à leurs joueurs sous contrat professionnel « les moyens de s’entraîner pour leur permettre d’atteindre ou de conserver un niveau de condition physique suffisante à la pratique du football professionnel en compétition » (article 507, 2.2° alinéa 2 de la Charte du football professionnel  Publié le 30/12/2020 à 21:30
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).

L’alinéa suivant prévoit, toutefois, encore, une exception dans la mesure où les clubs professionnels peuvent procéder à la création d’un second groupe d’entraînement, disposant des conditions de préparation ci-avant rappelées, dès lors que ce dernier soit composé de :

  • Pour les clubs de Ligue 1 Uber Eats Appellation du Championnat de France de Ligue 1 pour la période 2020-2024 (15 M€ / saison).  : 10 joueurs sous contrat professionnel, élite ou stagiaire.
  • Pour les clubs de Ligue 2 BKT Appellation du Championnat de France de Ligue 2 pour la période 2020-2024 : prolongation jusqu’en 2027-28 annoncée le 14/06/2023.

    Balkrishna Industries Ltd. (BKT), fabricant indien de pneus, a obtenu…
     : 8 joueurs sous contrat professionnel, élite ou stagiaire.

L’article 507, 2.2° de la Charte du football professionnel poursuit en rappelant notamment que la mise à disposition de tout joueur sous contrat professionnel au sein du second groupe d’entraînement :

  • Doit nécessairement s’effectuer « de manière temporaire pour des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de l’effectif »,
  • Ne doit, en aucun cas, se prolonger de manière régulière, permanente et définitive « s’apparentant à une mise à l’écart du joueur contraire à l’esprit du texte et du contrat de travail du footballeur professionnel »,

2.- Procédure applicable

L’article 507, 3° de la Charte du football professionnel  Publié le 30/12/2020 à 21:30
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précise, enfin, que la commission juridique de la Ligue de Football Professionnel (LFP) est compétente pour traiter tout manquement aux dispositions précitées.

Les décisions de ladite commission pourront être frappées d’appel devant les commissions nationales paritaires d’appel (article 53 de la Charte du football professionnel).

Les décisions des commissions nationales paritaires d’appel ne sont, enfin, pas susceptibles de voie de recours, sauf évocation, non suspensive, auprès du comité exécutif de la FFF Fédération Française de Football (article 66 de la Charte du football professionnel).

3.- Mise en application des dispositions susvisées

Les affaires médiatiques donnant lieu à des mises à l’écart de joueurs professionnels sont nombreuses : sans être exhaustif, l’on peut citer les affaires médiatisées, Luyindula, Ben Arfa, Rabiot, voire plus récemment Ait-Benasser.

De nombreux joueurs ont, en outre, été mis à l’écart sans pour autant avoir saisi la Commission juridique de la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT)  : en 2019, sur un total de 147 joueurs écartés, sept joueurs seulement avaient saisi la commission juridique.

D’autres ont informé l’UNFP Union Nationale des Footballeurs Professionnels de leur situation, le syndicat rappelant régulièrement à l’ordre les clubs concernés.

Au cours des occasions dans lesquelles elle a été saisie, la Commission juridique de la LFP a été contrainte de procéder à un rappel des dispositions susvisées de l’article 507 de la Charte du football professionnel  Publié le 30/12/2020 à 21:30
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et, ainsi, de réclamer la réintégration des joueurs écartés.

En guise de défense devant la Commission juridique, pour justifier de telles mises à l’écart, les clubs concernés se fondent régulièrement sur :

  • des raisons médicales,
  • des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de leur effectif, ou encore
  • des affectations temporaires au groupe professionnel inférieur communément appelé « groupe pro 2 ».

Youssef Aït-Benasser - ©  AS Monaco
A titre d’exemple, dans le cadre de l’affaire Youssef Aït-Benasser, le joueur international marocain évoluant à l’AS Monaco Activité : club de football professionnel, affilié à la Fédération Française de Football Partenaires majeurs : • Kappa (équipementier) : 2019-2025• APM Monaco (bijoux) : sponsor maillot… , avait été mis à l’écart.

Pour justifier celle-ci, l’AS Monaco avait invoqué un très mauvais état de forme du joueur, ne lui permettant pas de s’entraîner normalement sans risque de blessure.

La Commission juridique, saisie par le joueur, a néanmoins mis « en demeure l’AS Monaco de réintégrer le joueur au sein du premier groupe d’entraînement le mardi 09/03/2021 au plus tard  » (L’entraîneur Niko Kovac a assuré le 06/03/2021 que le club prenait acte et que lui ne voyait aucun problème à l’idée de réintégrer Youssef Aït-Benasser).

Du point de vue des clubs, cette mise à l’écart peut notamment s’expliquer par :

  • La multiplication des contrats de joueurs professionnels et la nécessité subséquente de restreindre le groupe principal.
  • Une volonté de sanctionner un joueur pour des raisons disciplinaires.
  • Une tentative de négociation contractuelle.

Si ces motifs peuvent être légitimes, leur mise en œuvre doit respecter tant la lettre que l’esprit de l’article 507 de la Charte du football professionnel  Publié le 30/12/2020 à 21:30
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.

Si un club est en mesure de justifier du respect de ces dispositions, mais que, par l’intermédiaire de l’un de ses dirigeants, il annonce publiquement qu’un joueur est mis à l’écart du fait d’un manquement disciplinaire, il est fort probable qu’il soit sanctionné par la Commission juridique de la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT)  !

Les dirigeants doivent ainsi faire preuve d’un devoir de réserve à l’égard des médias. Ils doivent également faire preuve d’un tel devoir à l’égard de leurs joueurs. 

L’éventuel accroissement de la protection des joueurs professionnels du fait d’une jurisprudence récente dans l’affaire Ngamukol

Anatole Ngamukol - ©  D.R.
Alors que les mises à l’écart des joueurs professionnels font régulièrement l’objet d’injonctions à l’égard des clubs concernés, ces derniers doivent désormais craindre une nouvelle sanction : une condamnation pour harcèlement moral.

Dans le cadre d’une affaire portée devant la juridiction pénale, Anatole Ngamukol a en effet obtenu la condamnation pour harcèlement moral du directeur général de son club.

Afin de déterminer la portée de cet arrêt, il apparaît nécessaire de procéder au rappel des faits.

Mis à l’écart au Stade de Reims Activité : club de football professionnel français Partenaires majeurs : • Puma (équipementier) : à partir de 2024-25• Yasuda Group (marketing) : sponsor maillot principal, 2024-2027 • Reims… , puis licencié pour faute grave en novembre 2018, Anatole Ngamukol saisit, tout d’abord, la commission juridique de la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) pour manquement à l’article 507 de la Charte du football professionnel. 

Le Stade de Reims invoque alors d’une part, des affectations temporaires au groupe pro 2 d’une durée maximale d’un mois et d’autre part, l’absence de validation d’objectifs physiques du joueur.

La Commission juridique constate néanmoins une « violation de l’article 507 de la Convention collective nationale des métiers du football du fait du placement prolongé et répété d’Anatole Ngamukol dans le groupe pro 2 ».

A défaut d’accord amiable subséquent entre les parties, le Stade de Reims Activité : club de football professionnel français Partenaires majeurs : • Puma (équipementier) : à partir de 2024-25• Yasuda Group (marketing) : sponsor maillot principal, 2024-2027 • Reims… notifie à Anatole Ngamukol son licenciement pour faute grave.

Après une procédure devant la Commission nationale paritaire d’appel, Anatole Ngamukol conteste son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes.

Mathieu Lacour, directeur général du Stade de Reims - ©  D.R.
En parallèle, le joueur porte plainte, pour harcèlement moral, contre Mathieu Lacour et David Guion, respectivement directeur général et entraîneur principal du Stade de Reims.

En décembre 2019, le tribunal correctionnel de Reims prononce, toutefois, la relaxe de MM. Lacour et Guion.

Soutenu par l’UNFP Union Nationale des Footballeurs Professionnels , Anatole Ngamukol fait appel de ce jugement. Dans un arrêt en date du 08/01/2021, la Cour d’appel de Reims a alors considéré que :

« Mathieu Lacour a commis une faute caractérisée par des agissements répétés ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail d’Anatole Ngamukol portant atteinte aux droits de ce dernier, à sa dignité, et de nature à compromettre son avenir professionnel. »

Mathieu Lacour a en outre été condamné à verser 13 000 euros à Anatole Ngamukol.

Face aux nombreuses dérives et manquements juridiques subséquents, l’arrêt précise, en sus, que : « la Cour ne peut s’attacher qu’aux faits et actes juridiques qui sont éventuellement la traduction de ces jugements de valeurs, et apprécier leur conformité, non aux valeurs du sport et de la compétition, mais au droit. »

S’il convient d’être prudent quant à la portée de cet arrêt du fait du vraisemblable pourvoi en cassation de MM. Lacour et Guion, il permet, en tout état de cause, d’apporter un éclairage nouveau sur les conséquences judiciaires des pratiques de mises à l’écart des joueurs professionnels. 

En effet, il est désormais possible d’élargir le spectre des sanctions envisageables en cas de mise à l’écart injustifiée d’un joueur professionnel.

1.- Sanctions disciplinaires à l’égard des clubs

Du fait du manquement aux dispositions de l’article 507 de la Charte du football professionnel, la Commission juridique de la LFP et la Commission nationale paritaire d’appel disposent de la faculté de :

  • Prendre des mesures administratives pouvant prendre la forme d’amendes.
  • Prononcer l’une ou plusieurs des sanctions disciplinaires prévues à l’article 4 de l’Annexe 2 des règlements généraux de la Fédération française de football • Création : 07/04/1919• Produits d’exploitation 2022-23 : 281,9 M€ (contre 274,2 en 2021-22)• Charges 2022-23 : 277,8 M€ (contre 274,3 M€ en 2021-22)• Résultat d’exploitation 2022-23 : + 4,1 M… (rappel à l’ordre, perte d’un ou plusieurs matchs par pénalité, retrait de point(s) au classement d’une équipe dans le cadre d’une compétition en cours ou à venir, huis clos total ou partiel, suspension de terrain etc.)

2.- Sanctions civiles à l’égard des clubs

Le Conseil de Prud’hommes, éventuellement saisi à la suite d’une telle mise à l’écart, peut prononcer des sanctions civiles à l’égard d’un club fautif.

Ces sanctions peuvent notamment consister en une condamnation d’un club à indemniser un joueur sur plusieurs fondements :

  • harcèlement moral (article L. 1152-1 du Code du Travail)
  • préjudice moral lié au harcèlement
  • préjudice de carrière qui n’est autre qu’un préjudice de perte de chance, pour le joueur, de signer dans un autre club.

3.- Sanctions pénales à l’égard des dirigeants des clubs

Me Laurent Fellous - ©  D.R.
L’arrêt du 08/01/2021 de la Cour d’appel de Reims semble désormais ouvrir une nouvelle voie, à savoir celle d’une sanction pénale à l’encontre de dirigeants de clubs.

La caractérisation d’un tel harcèlement moral, pénalement réprimé par l’article 222-33-2 du code pénal, suppose, néanmoins, la réunion des trois critères suivants :

  • Des agissements répétés.
  • Une dégradation des conditions de travail.
  • Une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.

En conséquence, la multiplication des condamnations des différentes instances et/ou juridictions ainsi que l’accroissement de l’éventail des sanctions au profit du joueur mis à l’écart, doit, en tout état de cause, appeler tout club professionnel de football à la plus grande prudence et à l’application d’un principe de précaution le plus élémentaire avant de prendre une telle décision.

Me Laurent Fellous, avocat et mandataire sportif, analyse pour News Tank le 23/03/2021

Résumé de l’analyse de Me Fellous, en vidéo, en cliquant ici ! 

Laurent Fellous


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Parcours

The F Agency (agence sportive)
Fondateur
Sup de Pub - INSEEC U
Chargé d’enseignement en droit du sport
Paris School of Sports (PSS)
Chargé d’enseignement
Fellous avocats
Avocat associé
École des agents de joueurs de football (EAJF Paris)
Chargé d’enseignement - Droit du Travail
Cabinet Fiona Bourdon
Avocat
Fellous avocats
Avocat
EFB - Ecole de Formations des Barreaux de la Cour d’appel de Paris
CAPA, Droit

Fiche n° 39223, créée le 16/04/2020 à 10:19 - MàJ le 02/11/2021 à 12:51

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Me Laurent Fellous - ©  D.R.