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Nouveau format du Championnat de France : « Soyons réalistes, exigeons l’impossible » (Luc Dayan)

News Tank Football - Paris - Entretien n°143198 - Publié le 10/04/2019 à 11:01
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L. Dayan - ©  D.R.

« J’ai imaginé un nouveau système de compétition pour notre Championnat de France de football professionnel. J’ai pris une carte de France et j’ai isolé 48 clubs, pour créer quatre poules de 12 (Est / Sud / Ouest / Nord) qui participent à une première phase. Les quatre meilleurs de chaque groupe disputent ensuite une deuxième phase de janvier à mai. Les 32 autres font une sorte de Ligue 2 répartis en deux groupes de 16 (Nord et Sud). Puis les mêmes 48 clubs repartent la saison suivante dans la même configuration », tel est en résumé le schéma imaginé par Luc Dayan, créateur et gérant de la société ID+, tel qu’il l’explique à News Tank, le 09/04/2019, en reprenant à son compte, avec humour, le célèbre slogan de Che Guevara : « Soyons réalistes, exigeons l’impossible. »

« Évidemment, c’est révolutionnaire, c’est un système qui est à l’opposé de ce qui se fait partout en Europe, mais pourquoi ne pas apporter de nouvelles solutions ? », ajoute celui qui fut successivement président du LOSC, de l’Entente Sannois Saint-Gratien, du FC Nantes, du RC Strasbourg ou encore du RC Lens.

Son modèle, c’est outre-Atlantique que Luc Dayan est allé le chercher : « Dans les années 60-70, aux États-Unis, de gros clubs disparaissaient les uns après les autres, du fait de milliardaires qui géraient ces clubs, se concurrençaient, mais dépensaient plus d’argent qu’ils n’en gagnaient… Dans ce pays chantre de l’ultra-libéralisme et de la non-régulation étatique, ils ont décidé, pour protéger leur patrimoine sportif, d’obliger les clubs à être stables et d’obéir à des règles drastiques : salary cap et ligues fermées. Ils ont aussi modifié la constitution américaine en faisant une dérogation à la loi anti-trust, afin que la concurrence entre plusieurs ligues soit impossible. »

« En Europe, la plupart des clubs riches s’enrichissent, les clubs moyens restent moyens et les pauvres restent pauvres. Les équipes reléguées ont du mal à survivre et les équipes promues à se maintenir », constate l’Américain Marshall Glickman, de l’agence de conseil en sport business G2 Strategic, dans un entretien accordé à News Tank, le 02/04/2019 (retrouvez l’entretien dans l’espace « à lire également »).

Luc Dayan est sur la même longueur d’ondes : « Dans le modèle que je propose, c’est le joueur qui progresse ou régresse, mais le club, lui, est stable : il peut donc générer des revenus, mettre en place une politique de formation, créer des emplois pérennes, avoir des infrastructures qui vont servir longtemps… C’est donc un système vertueux », explique l’entrepreneur qui répond aux questions de News Tank.


« On peut appeler ça une ligue fermée, il s’agit surtout d’envisager les choses différemment » (L. Dayan)

J’ai imaginé et conduit la privatisation du LOSC, il y a tout juste 20 ans »

Ma première « intervention » dans le monde du football remonte à 1991 et à l’entrée de Canal+ au Paris SG. Après avoir vu tout ce qu’il ne fallait pas faire, j’ai ensuite imaginé et conduit, il y a tout juste 20 ans, la privatisation du LOSC, un club oublié et endetté de Ligue 2. Cela a été considéré comme une réussite et j’ai ensuite été appelé à intervenir comme consultant sur des cas plus ou moins sensibles, comme à Nice (2001), au Mans (2003), à Saint-Étienne et à Valenciennes (2004), au Paris SG (2006), au FC Nantes (2007), Strasbourg (2009) et ce, jusqu’à aujourd’hui.

Quand une équipe descend de Ligue 1 en Ligue 2, il y a un « effet de ciseaux » compliqué à gérer »

Pendant cette période, j’ai pu constater que, paradoxalement, plus les droits TV et les transferts augmentaient en volume, plus les clubs se retrouvaient dans des situations financières dangereuses en cas de relégations dans la division inférieure. Quand une équipe descend de Ligue 1 en Ligue 2, il y a un « effet de ciseaux » compliqué à gérer : les revenus TV et commerciaux baissent de 60 à 70 %, quasiment du jour au lendemain, mais le club conserve la quasi-totalité de ses charges fixes, qu’il faut adapter sur la durée en fonction de cette baisse drastique de revenus, mais tout en tentant de rester compétitif pour « remonter » le plus vite possible. Pas simple…

A Lens, en 2007, Gervais Martel avait été obligé de vendre certains de ses actifs, dont son golf, mais surtout ses jeunes joueurs (Varane), ses droits commerciaux (Sportfive), et d’emprunter auprès des banques pour son centre de formation. Depuis, le club n’a passé que trois années discontinues en Ligue 1 (2009-10, 2010-11 et 2014-15), sans encore retrouver de stabilité.

Il me revient souvent ce qu’il me répondait quelques années plus tôt, alors président du RC Lens, mais aussi de l’UCPF Union des Clubs Professionnels de Football. A fusionné avec Première Ligue pour former « Foot Unis » au 01/06/2021. , lorsque je l’alertais sur ce problème systémique que je découvrais : « Mais Lens ne descendra jamais ! »… On connaît la suite, le 17/05/2008, pour un but, le RC Lens est descendu. Mais cette année-là, cela aurait pu aussi être le Paris SG (16e au classement final ou le Toulouse FC (17e). Et le calvaire commençait.

Luc Dayan dans la galerie des anciens présidents du RC Lens - ©  RCL

Depuis 2000, les charges des clubs ont finalement augmenté plus vite que leurs recettes »

Entre 2000 et aujourd’hui, les droits TV ont certes augmenté significativement, mais aussi, et en corollaire, les rémunérations salariales et le montant des transferts. Les charges des clubs ont finalement augmenté plus vite que leurs recettes. Le différentiel validé en début de saison par la DNCG Direction Nationale du Contrôle de Gestion en s’appuyant sur des ventes de joueurs prévisionnels que le club n’est jamais assuré de réaliser, s’est multiplié par 10 ou 20. Et il faut assurer la trésorerie, en attendant ces fameuses ventes qui se font au mercato hivernal, mais surtout en fin de saison et dont les échéanciers de paiements sont de plus en plus étalés dans le temps. Il faut donc des fonds propres extrêmement solides pour assurer la bonne gestion de ces entités.

Pour mémoire, les derniers sinistres auxquels j’ai été confronté sont ceux de Strasbourg (2009), Lens (2012), Valenciennes (2014) ou Bastia (2016), avec des montants de passifs à refinancer en urgence allant de 25 à 50 M€, alors qu’en 2000-2005, on parlait de 2 à 5 millions d’euros pour sauver l’OGC Nice ou l’AS Saint-Étienne. A ce sujet, je pense que si Bastia était resté sportivement en Ligue 1, il serait probablement « reparti », et ce, jusqu’au prochain coup (le Sporting Club Bastiais évolue en National 3 -ex CFA2-, groupe D, en 2018-19)…

Cet effet de ciseaux lié à une mauvaise saison sportive est donc de plus en plus « ingérable », et ce malgré les aides TV à la relégation.

  • Voilà pour le constat. Comment éviter ça ?
Toutes les « familles » sont impactées par la pérennité d’un club de football  »

En dehors des actionnaires privés qui sont parfois en bout de course, toutes les « familles » sont impactées par la pérennité d’un club de football : les collectivités qui ont souvent participé au financement des infrastructures, les salariés, les associations de supporters, les fournisseurs, les médias, tout cet environnement se retrouve brutalement mis au pied du mur par les conséquences d’un simple échec sportif.

La cathédrale, les Dernières Nouvelles d’Alsace et le Racing »

A Strasbourg, on m’a dit que seulement trois choses comptaient aux yeux des Alsaciens : la cathédrale, les Dernières Nouvelles d’Alsace et le Racing. Donc, on ne pouvait pas ne pas faire repartir le Racing après le dépôt de bilan de 2011. Idem pour le Sporting à Bastia ! Mais entretemps, que d’argent perdu, quelle casse salariale…

L’endroit où ils ont eu les mêmes problèmes et où ils les ont solutionnés, c’est les États-Unis »

Je suis donc allé voir ce qui se passait ailleurs. L’endroit où ils ont eu les mêmes problèmes et où ils les ont solutionnés, c’est les États-Unis. Dans les années 60-70, de gros clubs disparaissaient les uns après les autres, du fait de milliardaires qui géraient ces clubs, qui se concurrençaient certes, mais qui dépensaient plus d’argent qu’ils n’en gagnaient… En effet, la compétition entraîne rapidement et mécaniquement la concurrence sur les salaires, qui augmentent plus vite que les recettes. Même cause, mêmes effets. Banqueroutes en série.

Dans ce pays chantre de l’ultra-libéralisme et de la non-régulation étatique, ils ont pourtant décidé, pour protéger leur patrimoine sportif, d’obliger les clubs à être stables et d’obéir à des règles drastiques : salary cap et ligues fermées. Ils ont aussi modifié la constitution américaine en faisant une dérogation à la loi anti-trust, afin que la concurrence entre plusieurs ligues soit impossible.

Le « système » de compétition devant être stable et pérenne, ils ont décidé que ce sont les clubs qui devaient être « protégés » des comportements passionnels ou dangereux de leurs actionnaires. C’est donc le sportif qui, via le système universitaire, équivalent théorique des centres de formation en Europe, aura (ou n’aura pas) le niveau pour intégrer le niveau professionnel.

L’organisation a été pensée à l’envers de ce qui existe en Europe »

Regroupant représentants des actionnaires et des joueurs, la Ligue est garante de l’équité de la compétition, mais aussi de son développement économique. Le système de draft permet, en plus, un rééquilibrage des forces sportives en présence, ce qui a pour conséquence un championnat plus équilibré. L’organisation a donc été pensée à l’envers de ce qui existe en Europe notamment : elle protège les clubs et le sport contre les dérives liées aux conséquences de l’impact économique du spectacle sportif.

  • Ce système peut-il être dupliqué en France ?

Je pense, oui, mais il s’agit autant de comprendre et de reprendre une méthodologie, de l’adapter à notre territoire et à nos spécificités, que de reproduire exactement ce qui existe aux États-Unis.

Au moment de l’Euro 2016 Championnat d’Europe des nations, organisé en France du 10/06 au 10/07/2016. , il y a trois ou quatre ans, je me suis à nouveau demandé comment sécuriser les investissements, que ce soit celui des actionnaires ou celui des collectivités ? Car l’argent public est, pour moi, encore plus important que celui « risqué » par le privé.

Le MMArena a été inauguré le 29/01/2011, mais Le Mans FC a été placé en liquidation judiciaire en 2013. - ©  D.R.

J’avais aussi constaté entretemps ce qui s’est passé au Mans en 2013, lorsque le stade neuf avait été livré peu de temps avant que le club ne dépose le bilan (Le Mans FC est en National 1, en 2018-19). Je le répète, il y a beaucoup d’acteurs qui sont préoccupés et impactés quand un club tombe : collectivités, salariés, associations de supporters, médias locaux, sponsors, fournisseurs… et équité du Championnat !

J’ai alors pris une carte de France et me suis demandé combien il y avait de clubs « légitimes ». J’ai isolé 48 clubs, pour créer quatre poules de 12 (Est / Sud / Ouest / Nord) qui participeraient à une première phase (voir ci-dessous les deux découpages proposés). Avantage, cela multiplie les derbies, qui sont les rencontres qui font le plus d’audiences et de recettes. C’est ce que demande l’économie régionale et les sponsors locaux ou régionaux…

Hypothèse 1

Quatre groupes de 12 équipes (hypothèse 1) - ©  D.R.

Hypothèse 2

Quatre groupes de 12 équipes (hypothèse 2) - ©  D.R.

Ensuite, sortent les quatre meilleurs de chaque groupe qui participent à une deuxième phase, à une sorte de Ligue 1, mais de janvier à mai. Les autres font une sorte de Ligue 2 répartis en deux groupes (Nord et Sud). Les résultats de la phase 1 comptent pour la phase 2. Les mêmes 48 clubs repartiraient la saison suivante dans la même configuration.

Ainsi, le club qui n’a pas terminé dans les quatre meilleurs une année peut espérer y parvenir la saison d’après. Si vous êtes une collectivité, vous savez que votre stade sera toujours occupé. Un partenaire peut se lier au club pour cinq ans sans craindre que le club ne disparaisse, etc.

On peut appeler ça une ligue fermée, il s’agit surtout d’envisager les choses différemment, comme, par exemple, autoriser de mutualiser les centres de formation plutôt que d’obliger chaque club à avoir le sien. Les coûts seraient bien moindres.

  • Mais une Ligue fermée ne fait pas partie de la culture sportive européenne !

C’est le vrai problème ! Selon notre façon de penser le sport de compétition interclubs, c’est le club qui monte ou qui descend de niveau. Cela conditionne tout le reste, avec les blocages idéologiques qui vont avec.

Dans le modèle que je propose, c’est le joueur qui progresse ou régresse, mais le club, lui, est stable »

Dans le modèle que je propose, c’est le joueur qui progresse ou régresse, mais le club, lui, est stable : il peut donc générer des revenus, mettre en place une politique de formation, créer des emplois pérennes, avoir des infrastructures qui vont servir longtemps… C’est donc un système vertueux. A bien regarder, qui gagne de l’argent dans le football d’aujourd’hui via le système des transferts ? Les agents, les joueurs et les entraîneurs qui sont dans le bon wagon. Ils auraient tort de s’en priver et je ne les blâme pas. Mais qui paie les pots cassés ? Actionnaires, salariés, collectivités, etc. Et que reste-t-il en cas de désastre ? Rien ou presque.

On m’a souvent posé la question. Après les milliardaires ou les États, on voit arriver maintenant au capital des clubs les fonds d’investissements. Mais attention, certains de leurs actionnaires sont ceux qui achetaient des joueurs dans le cadre de la tierce propriété (TPO Third Party Ownership. Propriété de joueurs par des tiers. ) désormais interdite et qui achètent maintenant des clubs. Pour vendre des joueurs, ils achètent des clubs. CQFD….

Le trading de joueurs est devenu une des quatre sources de revenus des clubs »

Le trading de joueurs est en effet devenu une des quatre sources de revenus des clubs, avec les droits TV, la billetterie et le sponsoring, avec en plus un effet pervers sur le plan comptable. « L’actif joueurs » est une notion bien incertaine. Après un accident sportif (ou d’un autre type, comme pour le pauvre Emiliano Sala -décédé dans un accident d’avion, le 21/01/2019-), « l’actif » ne vaut plus rien. Sans parler des joueurs qui ne souhaitent pas renouveler leur contrat avec leur club formateur…

Je le répète, la plupart des clubs sont en perte d’exploitation, hors vente de joueurs. Donc le cœur du business est devenu la vente de joueurs. Et il faut en plus que ça aille de plus en plus vite car, comme l’endettement augmente, il faut vendre presque tous les six mois. D’où la détérioration de la qualité sportive car le football est un sport collectif…

  • Politiquement et juridiquement, un modèle de Ligue fermée a-t-il des chances d’être accepté en Europe ?

Attention, la commission européenne est en train de changer un tas de choses. Elle a mis fin au monopole des fédérations et des ligues : demain, un investisseur peut monter un championnat, il a le droit de le faire. Je trouverais ça bien triste. Je suis plutôt pour le faire par la réflexion et notre intelligence collective !

  • Alors que la Ligue 1 semble déjà trop petite pour le Paris SG, vous voulez l’obliger, dans votre schéma, à disputer un Championnat régional avec des matches contre Auxerre, le Paris FC, le Red Star ou Valenciennes ?
Le Paris SG remplit les stades, « fait » l’audience, mais anéantit aussi la concurrence »

C’est une vision bien jacobine du football français ! Penser le football français à travers les intérêts d’un seul de ses clubs ? Que se passera-t-il demain si pour X raisons le Qatar ne finance plus le Paris SG ? Ou s’il décide de financer et/ou de faire participer le club au projet de réforme de la Ligue des Champions ? Certes aujourd’hui, il remplit tous les stades où il évolue, « fait » l’audience, mais il anéantit aussi la concurrence. J’ai vécu de près l’arrivée d’actionnaires qataris au Paris SG. Je suis celui qui, en 2006, les avait attirés au Paris SG, c’est donc un contexte que je connais bien. En 2011, une des raisons de cette « irruption », c’est que Canal+, qui avait absorber TPS en 2006, ne voulait pas mettre plus de 400 M€ pour les droits TV de la Ligue 1….car elle ne le « valait » pas !

Il fallait trouver une entité qui mette le complément et qui « booste » la Ligue 1. C’est ce qu’a imaginé dans son triptyque Coupe du monde 2022 au Qatar, sauvetage de Colony au Paris SG et du football français, l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, ce qui a aussi entraîné la transformation d’Al Jazeera Sport en beIN Sports… qui perd beaucoup d’argent depuis.

  • Les 48 clubs sont tous professionnels dans votre schéma ?
Au niveau gouvernance, on peut imaginer des évolutions adaptées à ce qu’est un club de football »

Oui, tous. Après, il y a leur gouvernance. Là encore, on peut imaginer des évolutions adaptées à ce qu’est un club de football. J’ai proposé à Bastia d’utiliser la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), formule qui permet de mettre au capital des clubs l’ensemble des familles concernées, ce qui amènera solidarité et transparence dans les décisions. Elle serait gérée au quotidien par un manager professionnel qui rendrait des comptes à ce nouveau type d’actionnariat. De plus, dans une SCIC, la distribution de dividendes  est très encadrée, permettant de faire des réserves au lieu qu’ils soient distribués aux actionnaires qui, parfois, ne peuvent ou ne veulent plus refinancer le club quand il en a à nouveau besoin.

Alors évidemment, c’est révolutionnaire, c’est un système qui est à l’opposé de ce qui se fait partout en Europe, mais pourquoi ne pas apporter de nouvelles solutions avant de subir l’inéluctable ?

Je suis médecin, c’est ma formation. Je sais donc qu’il faut traiter la cause, même s’il faut aussi prendre en charge rapidement les symptômes des maladies.

Ce système est très pervers »

Aujourd’hui, on a des clubs qui n’ont plus de style de jeu identifié, on ne fait plus de distinguo entre les équipes, il y a des clubs qui ne trouvent pas de sponsor maillot… Oui, le système fonctionne, il y a même un nouvel acteur (Mediapro) qui va arriver en France suite au dernier appel d’offres (2020-2024). Oui, les droits TV vont croitre en Ligue 1, mais joueurs et agents vont demander plus et avec la concurrence entre clubs, transferts et salaires vont augmenter. Donc les dépenses vont encore monter et les problèmes seront encore plus gros. Ce système est très pervers…

LFP : Mathieu Ficot, Didier Quillot et Nathalie Boy de la Tour lors de l'attribution des droits TV 2020-2024, le 29/05/2018 - ©  DC

Les droits TV, c’est l’arbre qui cache la forêt et qui amplifie les conditions du désastre. Les clubs de Ligue 2 auront 500 000 euros de plus par an, ou 1 M€. Qu’est-ce que ça va changer ? Or, déjà, les clubs s’emballent, rêvent de vendre cher des joueurs, les nouveaux actionnaires de monter en Ligue 1 ou en Ligue des Champions selon le cas. On est au casino !

  • Y aurait-il une issue moins révolutionnaire, mais plus facilement applicable ?

Je ne sais pas. En attendant ce « big bang » qui n’aura vraisemblablement pas lieu (je suis réaliste, même si j’imagine l’impossible…), j’ai aussi proposé de créer un fonds de retournement qui, selon certains critères à définir en concertation avec la DNCG Direction Nationale du Contrôle de Gestion et la LFP Ligue de Football Professionnel, association qui gère les compétitions professionnelles françaises (Ligue 1 Uber Eats, Ligue 2 BKT) , pourrait intervenir dans ces situations de crise.

Que d’autres cerveaux imaginent d’autres solutions »

C’est en cours. Mais lançons au moins le débat. Que d’autres cerveaux que le mien se penchent sur le problème et imaginent d’autres solutions. Je ne pense pas avoir la science infuse, même si en off, beaucoup me disent que j’ai raison. Si ce type de solution peut être appliquée en France, elle sera reprise ailleurs. Et elle est compatible avec les compétitions internationales : les premiers joueront la Ligue des champions, etc., il n’y aura pas de rupture.

Ce que je redoute vraiment, c’est une Ligue fermée européenne »

Ce que je redoute vraiment, c’est une Ligue fermée européenne. Les gros clubs des grosses métropoles européennes vont peut-être bientôt se mettre ensemble et « fermer » le système par le haut. C’est d’ailleurs ce qui avait obligé l’UEFA à créer la Ligue des champions et c’est ce qui semble être à nouveau dans les tuyaux. Et demain, ces grands clubs, adossés à des grands groupes médias vont dire que les championnats nationaux ne les intéressent plus.

  • Mais comment pouvez-vous être pour une Ligue fermée au niveau national et la combattre au niveau européen ?
Ce que je propose est faisable si on affronte la réalité plutôt que de la fuir indéfiniment »

Parce que le football des clubs, celui qui sert de ciment dans une ville, celui qui rythme la vie de la cité au niveau régional et national, celui qui crée de l’emploi, va disparaître. On va le détruire. Je suis contre. Nous sommes dans une Europe unie, certes, mais avec des territoires nationaux bien individualisés, et avec des cultures et des identités régionales et locales. J’aime cette variété. Depuis que le championnat pro existe (1932), moins de 80 clubs y ont participé (77). C’est beaucoup et c’est peu. C’est pour cela que je pense que ce que je propose est faisable si on affronte la réalité plutôt que de la fuir indéfiniment.

  • Qu’est ce que les diffuseurs ont à gagner dans votre système ?

Les « diffuseurs » sont plutôt des distributeurs acheteurs de contenus exclusifs… Si on fait des lots adaptés, je sais que cela pourra générer encore plus de concurrence entre eux et donc de prospérité pour le football, mais à condition que l’argent soit utilisé intelligemment, et non pour augmenter les salaires indéfiniment.

  • Êtes-vous optimiste pour l’avenir du football français qui se réjouit de franchir la barre du milliard d’euros annuels de droits TV en 2020 ?

Oui, s’il sait (enfin) se réformer de l’intérieur…

Luc Dayan


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Fiche n° 5136, créée le 03/07/2014 à 18:56 - MàJ le 24/05/2024 à 10:51

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L. Dayan - ©  D.R.